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Poches -> Littérature |
| Donna Tartt Le Chardonneret Pocket 2015 / 11,20 € - 73.36 ffr. / 1101 pages ISBN : 978-2-266-25076-4 FORMAT : 11,0 cm × 17,8 cm
Première publication française en janvier 2014 (Plon)
Edith Soonckindt (Traducteur) Imprimer
Donna Tartt est un auteur rare, trois romans en trente ans (Le Maître des Illusions, 1993, Le Petit copain, 2003) et qui ne s'exprime que de façon prolixe, avec près de 1000 pages pour ce Chardonneret.
Un long roman, ambitieux, qui réunit plusieurs genres (roman dapprentissage, thriller
), qui évoque les grands romans du XIXe siècle et plus particulièrement Dickens, Oliver Twist ou encore De grandes espérances, mais également Dostoïevski, et qui sétend sur 15 ans. Le roman commence alors que le narrateur est enfermé dans une chambre à Amsterdam et quil revient sur sa jeunesse, son adolescence et les différentes épreuves qu'il a traversées.
Élevé par une mère lumineuse, aimée et complice, dans le New York du début du XXIe siècle, Théodore Decker, 13 ans, voit tout son univers s'écrouler lorsque, au cours dune visite au Metropolitan Museum avec sa mère, ils sont victimes d'une explosion. La mère meurt, Théodore en réchappe et sort hébété du musée en ruines avec deux objets : un petit tableau d'un maître hollandais, Carel Fabritius (élève de Rembrandt, mort de façon tragique dans lexplosion de la poudrière de Delft), qui représente un chardonneret enchaîné, et que Théodore sauve sur les conseils dun vieil homme mourant ; à ce vieil homme, il prend une bague. Ces deux objets construisent son destin et le reste de sa vie. Jamais Théodore ne parviendra vraiment à se détacher de ces dernières heures heureuses et toute sa vie il porte, de façons différentes, le poids de ces deux objets dérobés à la mort...
Assumant douloureusement la culpabilité du survivant, Théodore doit désormais affronter un monde quil vit comme hostile ou au mieux indifférent, quels qu'en soient les acteurs : la riche famille qui le recueille, son père qui resurgit animé de mauvaises intentions, Hobie, le bienveillant restaurateur de meubles et l'ami du vieillard mort au musée, Boris, ladolescent inquiétant à la dérive, les amis de rencontre. Autant de figures positives ou négatives auprès desquelles Théodore tente, sans grand talent ni enthousiasme, de se construire. Trois figures féminines le hantent et l'accompagnent : sa mère, la jeune Pippa victime survivante de l'explosion du Met, Madame Barbour, la riche new-yorkaise qui le recueille au lendemain du drame.
Donna Tartt fait parcourir à son héros les grandes routes initiatrices des États Unis : New York, Las Vegas, retour à New York, où Théodore erre de Central Park à Brooklyn, de Park Avenue à Greenwich. Toujours accompagné de «son» tableau, mince chaîne qui le relie à un passé heureux, alors que sa possession est interdite et que le FBI enquête sur les tableaux disparus au Met le jour de la catastrophe, secret fragile, précieux et périlleux que le narrateur ne veut à aucun prix abandonner
1000 pages qui mettent en scène les États-Unis daujourdhui, les différents milieux sociaux des upper classes new-yorkaises aux bas fonds de Las Vegas
Des personnages forts : Hobie, Madame Barbour, Pippa
et un héros plutôt faible, ballotté entre ses vies et les circonstances, définitivement enchaîné à cet instant du drame où il perdit lessentiel, et dont il séloigne pour mieux y revenir tel le chardonneret sur son perchoir, et qui, comme loiseau de Carl Fabritius, ne vit quune liberté en trompe lil
Un roman total, dans lequel on simmerge pour une traversée au long cours, de longues heures de lecture, au fil du suspense en filigrane : que deviendra ce tableau rescapé deux fois à deux drames, lexplosion de Delft le 12 octobre 1654 et lattentat du Met ? Et que deviendra le narrateur Théo ?
Donna Tartt est aussi une styliste, et sa traductrice Edith Soonckindt a réalisé un fort beau travail. En guise de conclusion, le commentaire de Théo à la fin du roman : «Profonde douleur, que je commence tout juste à comprendre : nous ne choisissons pas notre cur. Nous ne pouvons pas nous forcer à vouloir ce qui est bon pour nous ou ce qui est bon pour les autres. Nous ne choisissons pas qui nous sommes».
Marie-Paule Caire ( Mis en ligne le 23/01/2015 ) Imprimer
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