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Poches -> Littérature |
| Martin Page Une parfaite journée parfaite Seuil - Points 2010 / 5 € - 32.75 ffr. / 111 pages ISBN : 978-2-7578-1389-8 FORMAT : 11cmx18cm
Première publication en février 2002 (Éd. Nicolas Philippe) Imprimer
Comme son nom lindique, Une parfaite journée parfaite est un roman qui se déroule sur une journée, depuis le lever jusquau coucher du narrateur. Dans l'intervalle, le héros - qui passe son temps à se suicider gaiement - aura le loisir de mourir par balles, électrocution, absorption dune vodka-ciguë, désintégration, et de mille autres manières. Heureusement, il récupère vite de ses trépas successifs. Tout ça ne lempêche pas de partir travailler. Plus gênant est le grand requin blanc qui nage dans son corps : il lui donne des aigreurs destomac que seul un cocktail de Xanax, Nozinan, Magadon, Novéril, Artane, Cogentine, Valium, Lexomil et Lithium parvient à estomper. Notre héros sera ainsi en mesure dapprécier les reprises des Beatles que lui joueront à différents moments de la journée un quatuor de mariachis mexicains.
Une parfaite journée parfaite est un conte moderne qui moque certaines des névroses occidentales. Sur un ton détaché et spirituel, Martin Page narre les vicissitudes contemporaines en décrivant la journée dun employé modèle. Le choix délibéré dun univers absurde permet à lauteur de pointer avec lucidité les travers de notre société de consommation. Anonyme dans son immeuble, le héros, par le hasard des réseaux de tuyauterie, voit ses toilettes reliées à celles de Bill Clinton. Sur le plan professionnel, labsurdité est également la règle. Le héros ne sait dailleurs pas en quoi consiste exactement son travail. Il nest sûr que dune chose : pour justifier son salaire, il doit revêtir un costume (sa combinaison de cosmonaute du "vide inter-social") et produire des colonnes de chiffres. Entre deux suicides, il subit lenfer de la vie de bureau et des conversations autour de la machine à café. Toujours flegmatique, il se résigne à évoluer dans un monde illogique sans que jamais naffleure un quelconque sentiment de révolte contre cette mascarade existentielle.
Martin Page fait preuve dune imagination débordante et son roman regorge de trouvailles : lactivisme du héros en "terroriste musical", lanalogie entre les sentiments humains et les insectes, le totalitarisme comme composant de latmosphère terrestre, lassignation dune humeur particulière à chaque jour de la semaine, lenterrement symbolique des anciens amis, les "émofants" (les fantômes des personnes qui restent à connaître et à aimer)... On pense bien sûr à Boris Vian et à LEcume des jours, une influence que revendique dailleurs lauteur : même inventivité, même sens poétique, même charge gentiment subversive contre lordre social. Mais Martin Page à sa propre petite musique littéraire, mélange subtil de drôlerie pince-sans-rire et de cruauté envers ses contemporains, dont il épingle les faiblesses dans des situations dautant plus éloquentes quelles sont invraisemblables.
Olivier Cleuet ( Mis en ligne le 29/01/2010 ) Imprimer | | |
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