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Poches -> Littérature |
| Amélie Nothomb Antéchrista Le Livre de Poche 2005 / 5 € - 32.75 ffr. / 158 pages ISBN : 2-253-11339-5 FORMAT : 11x18 cm
Première édition : Albin Michel, 2003. Imprimer
Depuis plusieurs paires dannées, nombreux sont celles et ceux qui se ruent sur les romans dAmélie Nothomb avec voracité, tant cette Zébulonne de la littérature comble, avec talent, les envies détrangeté et les fringales dhistoires glaçantes post-aoûtiennes de beaucoup dentre nous
Bien entendu, sa régularité temporelle (inmanquablement à chaque rentrée littéraire) nengendre pas toujours la régularité qualitative. On passera par exemple rapidement sur les moyens Métaphysique des tubes (2000) et Cosmétique de lennemi (2001) pour retenir que la livraison de lannée 2002 avait été bonne, avec le troublant Robert des noms propres, lhistoire (romancée ?) de la chanteuse Robert (alias Plectrude dans le roman), ancienne danseuse et interprète torturée à mi-chemin entre Mylène Farmer et Jane Birkin , pour laquelle Amélie Nothomb se fit également parolière (sur lalbum Princesse de rien, sorti en septembre 2002 chez Tréma). Sans oublier bien entendu, les sommets que furent Hygiène de lassassin, Mercure, Attentat ou Stupeur et tremblements, de purs plaisirs littéraires, que ne boudèrent quun petit groupuscule de snobinards, qui conchièrent liconoclaste belge dès que celle-ci se mit à vendre.
Pourquoi Amélie Nothomb inspire-t-elle la voracité ? Tout simplement parce que ses histoires sont à la fois simples et tordues, et que son style allie lefficacité et lélégance. Doù un immense plaisir à la lire, voire à la dévorer
Prenez Antéchrista, sorti aujourd'hui en poche, qui commence par ces lignes : «Le premier jour, je la vis sourire. Aussitôt, je voulus la connaître.» Qui résisterait à une entrée en matière aussi directe ? Du coup, on a aussi envie de la connaître. Elle, cest Christa, une belle et brillante étudiante en sciences politiques qui fascine aussitôt Blanche, adolescente solitaire, passionnée de lecture et plutôt complexée. Il ne faut pas longtemps pour que Blanche succombe intégralement au charme vénéneux de sa corréligionnaire, et la présente à ses parents, modestes et honnêtes enseignants, lesquels succombent à leur tour. Dautant que Christa avoue vite ses origines modestes et ses difficultés économiques pour poursuivre ses études à Bruxelles, loin de son village natal, Malmedy. Aussitôt dit, aussitôt fait, Christa est invitée à habiter chez les parents de Blanche, qui désormais nont plus dyeux que pour la belle.
Mais lidylle amicale entre Blanche et Christa savère de courte durée puisque, très rapidement, cette dernière révèle sa vraie nature, dominatrice, manipulatrice, sadique et superficielle
mais cela uniquement devant Blanche, dans le huis-clos opaque de leur pacte sado-masochiste. Aux yeux du monde, et surtout de ceux des parents de Blanche, Christa est la lumière, et Blanche son terne reflet, son faire-valoir disgracieux. Pour la jeune fille complexée, Christa devient très vite Antéchrista, et de belle devient hideuse, révélant sa face noire et toute la gamme de ses humiliantes agressions. On laura compris, les ingrédients propres à la mythologie nothombienne sont ici réunis : fascination pour la beauté vénéneuse à linstar de la terrible mademoiselle Mori de Stupeur
, et son pendant tout aussi fascinant, la laideur Hygiène
, Attentat ; fascination aussi pour lintrus, le dominateur comme dans Les Catilinaires ; vénération du mot juste et de la littérature comme source principale dalimentation cérébrale Les Combustibles ; exaltation de la vie intérieure, de la pensée, face à la banalité du monde quotidien ici représenté par une Belgique maussade qui tient lieu de décor ; et, finalement, là ou Nothomb excelle, lintrusion de lhorreur, du monstrueux, dans ce quotidien.
Bref, cette histoire de double dame noire contre dame blanche, combat ambivalent de lombre et de la lumière, du beau et du laid, du fort et du faible est maîtrisée, haletante et très agréable à lire. On surfe ici avec allégresse sur la mécanique raffinée des tiraillements de lâme malmenée, dont Nothomb a le secret. On se prendra néanmoins à regretter la psychologie extrêmement monolithique des personnages, Antéchrista en tête, qui malheureusement nexerce pas sur le lecteur le pouvoir de fascination quaurait pu avoir ce Satan en jupons. De même quon déplorera et cest le cas depuis plusieurs productions de lauteur une impression de trop vite lu. Louvrage aurait bien entendu gagné à plus de développements et de détours, car Amélie Nothomb a déjà maintes fois prouvé jusquà quelle profondeur littéraire elle était capable demmener son lecteur (très) consentant.
Caroline Bee ( Mis en ligne le 06/07/2005 ) Imprimer
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