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Poches -> Littérature |
| Jean-Christophe Rufin Rouge Brésil Gallimard - Folio 2003 / 7.10 € - 46.51 ffr. / 600 pages Goncourt 2001 ISBN : 2-07-030167-2 FORMAT : 11x18 cm
Ouvrage publié en Août 2001 chez Gallimard Imprimer
Médecin humanitaire, auteur de plusieurs essais dont Le piège humanitaire (1986), Jean-Christophe Rufin se fait connaître du milieu littéraire par son roman LAbyssin (Gallimard). Avec Les causes perdues, il donne une vision désenchantée et lucide de laction humanitaire. Chef de clinique à 29 ans, vice-président de Médecins sans frontières de 1991 à 1993, il aurait pu faire carrière en politique, comme Kouchner, mais il préfère suivre son irrépressible désir décrire. Rufin semble vouloir réécrire sa vie, la conquérir, la vivre comme une aventure au gré du vent. Ce qui passionne avant tout cet humaniste sans illusions est la rencontre des civilisations, sujet de son dernier roman dont laction se situe au Brésil.
Au cours dun séjour à Rio, Rufin découvre un petit musée ignoré et miteux mais qui contient un trésor : lhistoire de la conquête du pays par une poignée de Normands. Il mène des recherches et apprend que des enfants orphelins étaient emmenés pour servir dinterprètes auprès des Indiens, pour leur capacité à apprendre les langues. Ce thème de labsence du père hante le romancier. Il a trouvé la trame de son aventure et sinspire de lexpédition peu connue menée en 1555 par lAmiral Villegagnon. À bord de la flotte, deux enfants, Just et Colombe Clamorgan. Après une traversée épique, les navires accostent dans une île de la baie de Rio. Pour se protéger de "lennemi indien", ces chevaliers de Malte bâtissent un fort. Just partage leurs peurs, leur sabotage de la nature environnante, leur soif de conquête et de commerce. Dans ce monde clos, huguenots et catholiques sentretuent pour défendre leurs dogmes. Colombe fuit "la civilisation" pour explorer le pays, rencontrer les Indiens qui ladoptent. Elle sintègre à leur vie, se métamorphose en indigène. Just finira par la retrouver, lui prouver son amour.
Deux civilisations se côtoient, sans jamais se rencontrer. Tout les oppose dans leurs conceptions religieuses : celle des monothéistes qui ont chassé Dieu du monde et détruisent la nature, celle des Indiens pour qui les esprits sont partout. Jean-Christophe Rufin voit dans cette confrontation originelle une métaphore, une sorte de laboratoire qui porte en germe lévolution de notre civilisation. Pas de doute que son cur penche du côté des Indiens, de leurs rituels, leur sens du sacré, leur anthropophagie, symbole du métissage culturel. Il nous offre une fable écologiste qui est aussi une sacrée sonnette dalarme. Sans doute le signe dune nouvelle vague chamanique ou décologie radicale via les États-Unis.
Par ses recherches, Rufin nous fait découvrir un pan ignoré de notre histoire, des quantités de détails sur le XVIème siècle, sur sa langue, parfois populaire, ses us et coutumes, ses costumes... Ecriture raffinée, classique, sens des dialogues, de la mise en scène, humour, cocasserie, ironie, personnages hauts en couleurs, construction en larges chapitres, suspens
Tout Rufin ! Prenons la première phrase, bien à limage de ce roman croustillant et drôle : "Imaginez un instant, monseigneur, ce que peut ressentir un homme qui voit bouillir devant lui leau où il va cuire". Dans la veine des romans dAndré Malraux et de Lucien Bodard pour lesquels il ne cache pas son admiration, cette épopée passionnante, pleine de souffle et démotions est aussi celle de la naissance dune passion amoureuse, une quête de sens, une recherche didentité et de spiritualité. Une réponse vivifiante : laissez-vous embarquez vers le Nouveau Monde, il est aussi à lintérieur de vous-même
Emmanuelle De Boysson ( Mis en ligne le 22/09/2003 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:Un entretien avec Jean-Christophe Rufin
Ailleurs sur le web :Lire un extrait de ce livre sur le site des éditions Gallimard | | |
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