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Poches -> Littérature |
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Un étonnant romancier latin | | | Pascal Quignard Albucius Gallimard - Folio 2004 / 6 € - 39.3 ffr. / 238 pages ISBN : 2-07-031355-7 FORMAT : 11x18 cm
Roman paru une première fois en 1990 (POL). Imprimer
Pascal Quignard nous conte lhistoire de Caius Albucius Silus, curieux romancier latin du premier siècle avant notre ère, sous la forme dune cinquantaine de chapitres construits autour dextraits de romans dAlbucius (en latin, mais toujours librement traduits) et dépisodes, réels ou fictifs, de la vie du personnage. Albucius est une forme particulière de biographie romancée : lauteur a extrait de la vie et de luvre dAlbucius les éléments qui lont ému, émaillant son récit de libres «inventions». Quignard définit ainsi sa démarche : «Rien nest parvenu jusquà nous que des fragments, des citations, des ruines. Je suis Eugène Viollet-le-Duc remettant debout ou inventant Notre-Dame ou le château de Pierrefonds.»
Létrange romancier latin a été surnommé «inquietator», cest-à-dire «linquiétateur, lagitateur de la langue latine à laube du premier siècle». En effet, «Albucius Silus « inquiéta» le roman romain. Il aima les mots bas, les choses viles, les détails réalistes ou surprenants.» Car la toile de fond du roman est effectivement lobsession dAlbucius pour le «sordide». Le roman est pour lui ««le seul gîte détape au monde où lhospitalité soit offerte aux sordidissima», cest-à-dire aux mots les plus vils, aux choses les plus basses et aux thèmes les plus inégaux.». Le roman sarticule donc autour de cette notion du sordide, abordant par définition des sujets dérangeants, dont on ne parle pas.
Chaque chapitre se déploie autour daffaires judiciaires particulièrement infâmes (tirées des uvres dAlbucius) qui placent le juge dans une position inconfortable. «Tel est le critère du sordide : un sentiment de gêne nous avertit de sa présence.» Cest loccasion de formuler de nombreuses réflexions plus générales, ponctuées des traditionnels aphorismes chers à Quignard, à partir de deux facettes principales dAlbucius, le citoyen romain et le romancier. Car le livre aborde aussi incidemment le problème du langage, du roman, dont il est proposé plusieurs définitions, parmi lesquelles nous ne citerons que celle-ci : «Je ne suis pas sûr que les récits des hommes soient plus volontaires que leurs rêves. [
] Les romans sont aux jours ce que les rêves sont aux nuits.»
Cette réédition en poche dAlbucius est donc loccasion dapprécier une nouvelle fois latmosphère si particulière qui se dégage des romans de Quignard. Cette atmosphère se caractérise par une sorte détrangeté qui se déploie, à travers un récit situé dans lune des périodes de prédilection de lauteur (lAntiquité latine ici), dans des fragments souvent énigmatiques.
Cécile Obligi ( Mis en ligne le 18/04/2004 ) Imprimer
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