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Poches -> Littérature |
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Baudolino ou la folle épopée | | | Umberto Eco Baudolino Le Livre de Poche 2004 / 8.00 € - 52.4 ffr. / 667 pages ISBN : 2-253-06770-9 FORMAT : 11 x 18 cm
Traduit de l'italien par Jean-Noël Schifano.
Cet ouvrage est paru pour la première fois en février 2002 (Grasset). Imprimer
Au commencement sont des mots bousculés, biffés, déformés un chaos de mots sur un parchemin mal gratté, volé de surcroît. Ainsi débute lhistoire de Baudolino ; non pas à sa naissance mais avec ses premiers balbutiements scripturaux. Comme lhumanité entre arbitrairement certes en histoire dès lors que lon identifie les premiers signes relevant de lécriture.
Jeune paysan piémontais, Baudolino sacquiert les bonnes grâces de lempereur Frédéric Barberousse au point de devenir son fils adoptif. Le jeune garçon a le "don des langues" et aussi celui des visions. Le voilà donc amené à la cour de lempereur puis placé sous la tutelle du chanoine Rahewin et de lévêque Otton afin dêtre instruit en toutes choses utiles au fils adoptif dun empereur. Mais au fond, cest de son imagination débridée, assortie dun bon sens éprouvé, que Baudolino use le plus largement. Confronté aux arcanes des enjeux politiques, on le voit, par exemple, présider à la canonisation de Charlemagne ou bien rédiger sous lemprise du "miel vert", substance davantage haschichine que miellée une lettre adressée à Frédéric par le mythique Presbyter Johannes, souverain dun royaume qui nest rien moins quun avatar du paradis terrestre situé du côté des Indes. De mensonges bien pensés en coups magistralement montés, Baudolino se révèle un personnage clef du pouvoir impérial.
Non content de nous livrer une truculente mais attendrissante à ses heures fable politico-philosophique aux couleurs franchement picaresques, Umberto Eco lance Baudolino et onze de ses amis à la recherche du fameux royaume du prêtre Jean, telle une terre promise, renouant ainsi avec cette tradition des récits de voyage merveilleux où les poètes, faute de connaître le monde, sefforçaient de limaginer. Cest alors une débauche de lieux et de créatures fantasmagoriques issus dun fonds mythologique luxuriant
mais en définitive, cest toujours le même chemin qui se dessine : celui de qui part en quête, avec la foi indéfectible de trouver un jour.
Dans ce roman enlevé, enchaînant les péripéties et tenant à la fois de lépopée et de la farce, Umberto Eco questionne en permanence le rapport que lhomme entretient avec le réel et dont témoignent au premier chef les différents systèmes linguistiques dont il use chaque langue reflétant une appréhension spécifique de la réalité. Appréhension dont lécriture dénote un degré nouveau, ajoutant à limage sonore que le langage attribue au concept celle, graphique, que lon trace.
Outre cette réflexion de fond sur le langage, tissée au gré de ces parlers plus ou moins compréhensibles, plus ou moins attestés, et recréés ici et là dans le texte, le sémillant sémiologue nous invite aussi à nous interroger sur les notions de réalité et de vérité, sur les mécanismes de la diplomatie, de léconomie, du pouvoir et, enfin sur les fondements de la foi et du croire piliers du comportement humain.
Isabelle Roche ( Mis en ligne le 21/04/2004 ) Imprimer | | |
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