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Poches -> Littérature |
| Doris Lessing Nouvelles africaines - (tomes 1 et 2) Le Livre de Poche - Biblio 2005 / 6.00 € - 39.3 ffr. FORMAT : 11x18 cm
Traduit par Marianne Véron
Tome 1 : Le Soleil se lève sur le veld
ISBN 2-253-09929-5 / 317 pages
Tome 2 : L'Hiver en juillet
ISBN 2-253-09930-9 / 349 pages
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Selon Doris Lessing, beaucoup décrivains ont en commun une enfance tourmentée pas nécessairement malheureuse mais suffisamment propice à lobservation du monde des adultes pour permettre un précoce éveil de la conscience. Le célèbre auteur ne déroge bien évidemment pas à la règle.
Née en 1919, elle passe les six premières années de sa vie en Perse (lIran actuel). En 1925, ses parents dorigine anglaise sinstallent en Rhodésie (le Zimbabwe daujourdhui), séduits par lidée dune ferme africaine mais surtout attirés par la possibilité de faire fortune dans cette colonie britannique grâce à la culture du maïs ou du tabac. La petite fille, émerveillée par la majesté du pays, comprend aussi très rapidement laberration du système politique qui y sévit et limpossibilité dune communication véritable et sincère entre les deux communautés. Cette prise de conscience est au centre du premier récit des deux volumes de Nouvelles africaines.
Doris Lessing y met en scène une enfant blanche habituée à maltraiter et à mépriser les domestiques, «à considérer tous les indigènes comme des objets quon utilisait» et pour qui «les habitants noirs de lexploitation constituaient une masse
amorphe, qui sétirait ou se ressemblait comme autant de têtards sans visages, et qui nexistait que pour servir, dire Oui, baas, recevoir son salaire et sen aller.» Au hasard dune promenade, lenfant rencontre le Vieux Chef Mshlanga, impressionnant de dignité. À ce moment précis, la narratrice passe du « elle » au « je », mettant ainsi en lumière son bouleversement intérieur : «
Je me disais
cest mon pays aussi bien que celui de lhomme noir ; et il y a suffisamment despace pour nous tous
Il me suffisait de libérer ce respect que jéprouvais en parlant au vieux chef Mshlanga, pour que les Blancs et les Noirs se réconcilient
cela me semblait dune facilité extrême. » Utopie enfantine bien sûr - à la fin de la nouvelle, le chef et son peuple perdent leur terre, le gouvernement souhaitant louvrir à la colonisation blanche. Comme à lhabitude, les Noirs sont spoliés et humiliés. Tout au long des deux recueils Doris Lessing examine sans misérabilisme une réalité bien peu glorieuse et dissèque le lien complexe qui unit dominants et dominés. Ne cédant en rien au manichéisme, elle brosse de la communauté blanche un tableau que lon souhaiterait outrancier.
Certains colons, à linstar de Marina et Philip Giles, les personnages dUn toit pour le bétail des Hautes Terres, ont quitté lAngleterre pour la Rhodésie du Sud, sorte dEldorado, (comme latteste le titre dune autre nouvelle) dans lespoir dune vie meilleure et de revenus plus substantiels. Souvent bouffis de condescendance à légard des «indigènes», convaincus dapporter avec eux le progrès technique et social, ils se heurtent au racisme ambiant, honteusement naturel et laissent rapidement de côté leurs idées généreuses. Dautres ont nettement moins de scrupules, exploitant sans vergogne une main duvre quasi gratuite et facilement remplaçable. La communauté noire, elle, se retranche derrière une servilité de façade ou un respect factice, subit certes linacceptable mais parvient parfois à sauver lessentiel, comme le montre joliment Pas de sorcellerie à vendre, très courte nouvelle dans laquelle Gideon, le vieux cuisinier noir, réussit à conserver le secret ancestral dune plante miraculeuse que les Blancs souhaiteraient sapproprier. Difficile cependant de garder espoir et courage lorsque les droits élémentaires se trouvent si impunément piétinés.
Le premier roman de Doris Lessing The Grass is Singing, publié en 1950, abordait déjà ce thème explosif. Les autorités de lépoque navaient alors guère apprécié que la romancière dénonce ainsi leur politique dapartheid, allant en 1956 jusquà linterdire de séjour en Rhodésie et en Afrique du Sud. Les Nouvelles africaines nont pourtant rien dun brûlot anticolonialiste. Dautres idées y sont également exprimées, en particulier sur le rôle de la femme dans la société prémices dune réflexion qui donnera plus tard à Doris Lessing le statut dicône du féminisme. Au-delà du message, on reste ému par la grande qualité littéraire du texte tout à la fois hommage et déclaration damour dune Blanche à lAfrique noire.
Florence Cottin ( Mis en ligne le 04/05/2005 ) Imprimer | | |
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