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Le dur métier de roi
Jean-Michel Riou   L'Insoumise du Roi-Soleil
J'ai lu 2007 /  8 € - 52.4 ffr. / 573 pages
ISBN : 978-2-290-00158-5
FORMAT : 11,0cm x 18,0cm

Première publication en mai 2006 (Flammarion).
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Des genres jadis tenus en mépris ou considérés comme populaires ont acquis ces cinquante dernières années une légitimité nouvelle. Il en est ainsi du roman policier. Il en est ainsi du roman historique. Alors qu’ils étaient réservés à un public populaire et considérés comme de la littérature facile, de bons romanciers ont osé ce type d’écrits ; l’importance d’Alexandre Dumas, génie tutélaire du genre, a été réévaluée. Nombreux sont les universitaires reconnus qui se sont adonnés au genre avec généralement assez de bonheur. Évelyne Lever a traité de l’Affaire du collier ; le roman historique ne pouvait manquer à un polygraphe tel que François Bluche.

On assiste ainsi aujourd’hui à des succès éditoriaux remarquables. Cet engouement est très certainement à mettre en relation avec l’inflation patrimoniale ou la vogue de la généalogie : dans une société où la «mémoire» est devenue un enjeu, on cherche dans le passé les valeurs perdues ou un dépaysement. Il n’y a rien là dont on ne peut se réjouir. Le roman historique est une porte d’entrée privilégiée vers le passé : bien des historiens avouent avoir trouvé leur vocation dans la lecture des Trois mousquetaires. Le grand public y trouve une initiation à l’histoire qui est déjà précieuse en elle-même et qui débouche parfois sur un intérêt plus grand. Au nom de quoi faudrait-il repousser des ouvrages qui permettent au public le plus large d’avoir des rudiments sur l’histoire de certaines périodes, d’apprendre que la société et les valeurs du XVIIe siècle ne sont pas les nôtres, de s’initier par une lecture ludique à des matières passionnantes mais parfois difficiles ?

Encore faut-il que l’auteur connaisse parfaitement la période dont il parle et prenne garde de toujours maintenir en cohérence le récit et son arrière-plan historique. C’est par là que le genre est redoutable : il demande de connaître une foule de détails sur la vie quotidienne, de toujours remettre en cause ce que l’on a écrit en se demandant si un homme du XVIIe siècle aurait agi ou pensé comme cela, de sans cesse éviter l’anachronisme. Certes, certains romanciers ne prennent le fait historique que comme un prétexte pour créer une œuvre littéraire. Ce serait faire preuve de mauvais esprit que leur contester un fondement historique qu’ils ne cherchent pas. Il y a des anachronismes dans Le Baron perché d’Italo Calvino parce que le livre se passe plus dans un monde onirique et irréel que dans l’Italie de jadis.

Mais quand le livre se veut réaliste, la chose est différente. Nous voulons encore passer sur des choses improbables au XVIIe siècle, que le romancier croit nécessaire à son intrigue : une jeune fille qui part seule à Versailles, Mme de Sévigné qui tutoie l’héroïne à leur première rencontre, une riche héritière qui tombe amoureuse du premier venu (même si l’on apprend rapidement qu’il est fils d’un chevalier mais qu’il s’est enfui tellement son père est méchant…) et couche avec lui quelques dizaines de pages plus loin. La lettre que Pierre de Montbellay écrit à sa fille a quelque chose de comique tant elle se fonde sur nos habitudes d’écriture actuelles, bien loin de celles du Grand Siècle.

C’est en revanche plus grave quand ce ne sont plus des approximations mais des manipulations qui trompent le lecteur : au lieu d’être le lieu de la vulgarisation, au lieu de mettre les choses au point en précisant les connaissances du novice, on le flatte dans ses idées fausses. Non, il n’y a pas d’Inquisition en France au XVIIe siècle. L’Inquisition est un tribunal qui relève du droit canon : on voit mal Louis XIV accepter que le pape se mêle de ses affaires intérieures. Pire encore, l’histoire est-elle si peu attirante en elle-même qu’il faille chercher des mystères là où il n’y en a pas ? Non, il n’y a aucun mystère dans le fait qu’on ignore le jour où a été signé l’édit de Nantes (bien que des recherches ait permis d’acquérir de fortes présomptions sur la date en question) : un édit prend la forme diplomatique d’une «grande lettre patente» ou «charte». Ces documents ne comportent que le mois et l’année mais jamais le quantième. Il en est toujours ainsi. Ce n’est guère plus extraordinaire que l’original de l’édit soit perdu. Les historiens modernistes se trouvent sans cesse face à des trous dans les sources avec lesquels il faut composer. De tous les traités signés entre le pouvoir royal et les protestants de 1560 à l’édit de Nantes, on ne conserve AUCUN original. L’auteur croit-il si peu en ses talents de romanciers pour qu’il recoure à de tels procédés, dignes d’un mauvais film américain ?... C’est dommage car par ailleurs, même si les péripéties sont attendues, le livre peut se lire avec plaisir. Les personnages sont attachants, le rythme vif, on y sourit souvent. On y trouve une fraîcheur qui peut plaire.

Le roman historique peut s’autoriser des libertés avec l’histoire. Il n’y a aucun mal à inventer des faits et des personnages, à mêler vrai et faux (l’anecdote de la rencontre du valet de l’héroïne avec d’Artagnan est très plaisante). Mais plus que de la vérité, il faut conserver de la vraisemblance. C’est trop souvent ce qui manque à ce livre dont la lecture n’est pas désagréable mais où l’anachronisme règne.


Rémi Mathis
( Mis en ligne le 28/05/2007 )
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