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Poches -> Littérature |
| Yasmina Reza L'Aube, le soir ou la nuit J'ai lu 2009 / 5 € - 32.75 ffr. / 149 pages ISBN : 978-2-290-01654-1 FORMAT : 11,0cm x 18,0cm
Première publication en août 2007 (Flammarion). Imprimer
Présenté comme lun des événements de la rentrée littéraire 2007, LAube le soir ou la nuit ne mérite sans doute pas cet excès dhonneur
Du livre, de son histoire, on a déjà tout dit, tout écrit : comment Yasmina Reza en vint à suivre Nicolas Sarkozy, avant même quil ne soit candidat dans la campagne, la rencontre entre les deux, qui se reconnaissent (même partage dune origine hongroise : «mon père, né à Moscou de parents iraniens, marié à une Hongroise»), même sentiment de se situer au-dessus de la foule, le silence étourdissant entretenu par lun et lautre sur le livre lors de la parution
Yasmina Reza demblée se défend dun reportage politique, elle nest pas une «plume politique», Nicolas Sarkozy en ayant dailleurs une, Henri Guaino qui écrit ses discours (et auquel Yasmina Reza réserve éventuellement quelques phrases acides). Non, il sagit dautre chose : le talent littéraire face au talent politique, au-dessus de la mêlée. Soit, et immédiatement les souvenirs scolaires nous reviennent, en particulier la formule magique : «Racine historiographe du roi», les plus anciens évoqueront Commynes et Louis XI, plus près de nous Orsenna et François Mitterrand. Il faut un écrivain au prince dans la France contemporaine, de la même façon que lélu doit présider à la construction dun monument/édifice, si possible dans la capitale.
Seulement, et cest à cet endroit précisément que le bât blesse : Yasmina Reza nest pas Racine et Nicolas Sarkozy nest pas Louis XIV ! Elle écrit donc un texte, juxtaposition de paragraphes secs, avec quelques formules vachardes : «Michel Onfray (lequel peut, sans le moindre problème, écrire dans son blog relatant la rencontre avec N. Sarkozy) «Je me sens Sénèque assis dans le salon de Néron»». Yasmina Reza nous amuse, mais le commentaire ironique pourrait bien ne pas sappliquer au seul Onfray
Autre moment savoureux : la rencontre avec Valery Giscard dEstaing qui reconnaît difficilement, semble-t-il, lauteur dArts : «Nicolas me vante gentiment et ajoute, en ce moment elle écrit un portrait de moi.- Ah ! vous écrivez un
- Un livre Monsieur le Président, dis je. - Oui, un
Un fascicule ?». Tout est dit...
Cependant, le «fascicule» refermé, que reste-t-il au lecteur ? Quelques formules creuses/pompeuses (la remarque dAlain Minc à propos de son projet décriture : «Vous avez le choix (..) entre être amoureuse ou être ambitieuse»), des phrases sèches, égrenées avec un ton solennel : «Il reste tant de jours. Tant de semaines. Tant de mois». On imagine bien une pièce de théâtre avec des acteurs qui donneraient du sens à ces banalités accumulées. Des citations dispersées de Cioran, de Borgès, beaucoup de name dropping.
Quapprend-on de «Nicolas», pour reprendre lappellation donnée tout au long du livre dans lintimité assumée de lécrivain et de son sujet ? Quon peut le voir comme un enfant agité, hyperactif, se rassasiant de bonbons, qui aime Chimène Badi («à la folie») et Dick Rivers, qui regarde Le Silence des Agneaux sur une télé à écran large, qui claudique légèrement, qui est obsédé par ses droits dauteur, qui fait le tour des capitales (Bush, Tony Blair, Angela Merkel, A. Bouteflika
), assume les meetings éternels, les poignées de main et les bains de foule, les enterrements et les visites dusines, mime avec ses conseillers un débat avec Ségolène Royal, ne supporte pas la concurrence, est mu presque mécaniquement par une ambition, ressort cassé dès lors que celle-ci est assouvie («Derrière la montagne, il y a la mémoire du temps des prodiges, la trace fuyante de léclat, mais il ny a ni fumée ni verte prairie, et il nest même pas sûr quil y ait quoi que ce soit»). Un homme qui «fascine» son entourage et là aussi, dure anecdote, celle du conseiller de 68 ans qui sastreint à un entraînement régulier de jogging pour rattraper (et même éventuellement dépasser quelques instants, mais pas plus), «Nicolas».
Lécrivain veut nous montrer lenvers du décor du «fauve» comme elle le dit au premier paragraphe, mais à la lecture de son texte il ne ressort que vacuité et vanité : tout nest que décor, il ny a ni endroit ni envers, rien dont nous nayons été abreuvés à satiété dans notre société dimages et de «brèves».
Parce que cétait lui, parce que cétait elle
Soit ! Mais quel intérêt ?
Marie-Paule Caire ( Mis en ligne le 24/04/2009 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:Adam Haberberg de Yasmina Reza Nicolas Sarkozy de William Emmanuel Sarkozy. Carnets de campagne de Jean-François Achilli | | |
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