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Poches -> Littérature |
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L'Amitié au temps du gaz moutarde | | | Denis Guedj Villa des hommes Seuil - Points 2010 / 7 € - 45.85 ffr. / 312 pages ISBN : 978-2-7578-0968-6 FORMAT : 11cm x 18cm
Première publication en août 2007 (Robert Laffont) Imprimer
Chambre 14, Villa des hommes. Herr Singer et Matthias Dutour restaient le plus clair de leurs journées allongés, lun en face de lautre. Les yeux ouverts. Léternité. Deux gisants. Un vieux chevalier teuton désarmé, un écuyer franc écorché. Ils ne se regardaient pas, ne sobservaient pas, ne sépiaient pas. Ils se voyaient, simplement, parce que chacun occupait le champ de vision de lautre.
Mais ils fondent ensemble une amitié solide, juste et pudique, dans le cocon étrange dun asile psychiatrique. La Villa des Hommes est leur no-mans-land, ce bout de terre oublieux des conflits, des batailles et des acrimonies : un havre, si lon veut, où deux malades, en temps de guerre, apprennent à se connaître alors que rien léducation, les frontières, lâge ne les destinait à sapprécier et sentendre. Herr Singer est un homme vieux, atteint de sénilité en plus de quelques névroses, mis au repos malgré ses lauriers, ses gloires universitaires. Cest un grand mathématicien, tour à tour controversé et admiré, fondateur, explique-t-il à son jeune coturne, des mathématiques modernes et de la théorie des ensembles. Il offre dailleurs à Matthias un exemplaire de son célèbre essai, Sur les Fondements de la Théorie des Ensembles Transfinis.
Le jeune français est dun autre monde, dune autre terre, fils douvriers devenu ouvrier à son tour, cheminot exactement, conducteur passionné de locomotives. Un ouvrier à lidéal chevaleresque, éduqué malgré tout, grâce aux universités populaires, lecteur de Zola et fils exemplaire. La guerre, comme à dautres, nétait pas faite pour lui, qui lova dans ses méninges des traumatismes durables, la peur du bruit, du sang et des balles
Convalescents, ils apprennent, dans le temps dilaté de lasile, à se faire confiance et à sapprécier. Le professeur initie son disciple aux arcanes de lalgèbre. Matthias comme le lecteur y perdront peut-être leur latin, mais pas le goût de ce roman réussi, ode à l'amitié écrit de main de maître par un amoureux des chiffres assurément amant des lettres.
Bruno Portesi ( Mis en ligne le 01/11/2010 ) Imprimer
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