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Poches -> Littérature |
| Yasmina Khadra Ce que le jour doit à la nuit Pocket 2009 / 7,30 € - 47.82 ffr. / 437 pages ISBN : 978-2-266-19241-5 FORMAT : 11cmx18cm
Première publication en août 2008 (Julliard) Imprimer
Voici un roman de rentrée à lire avec hâte, un roman pour de vrai, une histoire dorée démotions fortes et sincères, écrite avec talent, beauté. On le savait déjà car on avait peut-être lu dautres romans de Yasmina Khadra, ce style à la fois chaud et mâle, tendre et dur aussi, où lhyperbole des sentiments est tempérée par une dignité toute méditerranéenne, mélange sucré-salé, doux-amer, passerelle, entre-deux. Avec ici une entre-deux de taille, lAlgérie française
Le point de vue dun homme en qui passe la frontière : Younes est un enfant arabe vivant dans les champs de blé que cultive son père. Jusquà ce que le malheur, une première fois, frappe à leur porte, incendie les blés mûris et paupérise la famille entière, contrainte daller sentasser, déclassée, dans une favéla dOran : «Jenane Jato : un foutoir de broussailles et de taudis grouillant de charrettes geignardes, de mendiants, de crieurs, dâniers aux prises avec leurs bêtes, de porteurs deau, de charlatans et de mioches déguenillés ; un maquis ocre et torride, saturé de poussières et dampuantissement, greffé aux remparts de la ville telle une tumeur maligne. La mouise, en ces lieux indéfinissables, dépassait les bornes».
La famille de Younes ne se relèvera pas mais le garçon lui, pourra être sauvé ; la mort dans lâme, le père le confie à son frère, loncle, pharmacien installé, arabe cultivé dOran, qui le prend volontiers sous son aile avec sa femme, Germaine, nouvelle maman. Ils le rebaptisent Jonas ; il connaît une enfance heureuse et une adolescence tout aussi préservée. Même si, à lorée de la Deuxième Guerre mondiale, quelques sirènes nationalistes se font entendre... Loncle, lecteur des premiers théoriciens musulmans dune Algérie plus arabe, en pâtit, humilié publiquement par la police française : la honte est trop forte ; lhomme, autrefois si jovial, perd la tête et contraint sa petite famille à quitter Oran. «Il était écrit, quelque part, quil me fallait partir, toujours partir, et laisser derrière moi une part de moi-même».
Ladolescence de Younes/Jonas se fera dans le village agricole de Rio Salado, Eden où les colons ont depuis des lustres fait fructifier la terre. Jonas y a sa bande de copains, Français dAlgérie pour la plupart. Devenu pharmacien à la place de son oncle, il connaît ses premiers émois amoureux, avec Mme. Cazenave dabord, avec sa fille ensuite, la belle Emilie, amour secret dune vie entière mais qui néclora pas, car ils sont nombreux à convoiter la jeune femme et Younes est dabord fidèle en amitié.
Au dehors, lhistoire sexcite, la guerre mondiale dabord, qui déverse en oranais son lot de G.I., lindépendance ensuite, qui creuse les fossés, détruit les amitiés, met le pays à feu et à sang. Rio Salado résiste dabord à laffolement politique : «les gens du village nen avait cure. Ils élevaient autour de leur bonheur des remparts imprenables en sinterdisant dy creuser des fenêtres. Ils ne voulaient rien voir dautre que leur beau reflet dans la glace auquel ils clignaient de lil avant de se rendre dans les vergers cueillir des soleils par paniers entiers». Puis, un incident éclate, puis un autre en représailles. Jonas redevient Younes aux yeux danciens voisins. LHistoire prend le dessus.
On en dit trop ! Mais on na rien dit pour autant car tout est dans le style, le ton, lévocation poétique et nostalgique dune Algérie mal partagée. Yasmina Khadra sait en donner tous les éclats sans jamais tomber dans un quelconque manichéisme. Jonas porte en lui toutes ses racines qui, a un moment, nont plus supporté lintrication. Le roman, 400 pages trop courtes, se termine de nos jours aux abords de Marseille. Une poignée de vieux algériens, ceux quà présent on appelle «pieds noirs» se remémorent leur bon vieux temps, leur «nostalgérie».
Sublime. Un roman de la réconciliation, loin de tout règlement de comptes faciles et actes de repentance trop à la mode.
Bruno Portesi ( Mis en ligne le 22/09/2009 ) Imprimer
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