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Le livre masculin
Nina Bouraoui   Appelez-moi par mon prénom
Gallimard - Folio 2010 /  5.60 € - 36.68 ffr. / 141 pages
ISBN : 978-2-07-039683-2
FORMAT : 11cm x 18cm

Première publication en septembre 2008 (Stock).

L'auteur du compte rendu : Essayiste, romancier, Jean-Laurent Glémin est titulaire d’un troisième cycle en littérature française. Ayant travaillé notamment sur les sulfureux Maurice Sachs et Henry de Montherlant, il se consacre aujourd’hui à l’écriture de carnets et de romans. Il n’a pas publié entre autres Fou d’Hélène, L’Imprésent, Fleur rouge, Chair Obscure, Continuer le silence.

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Il y a comme cela des écrivains qui plaisent autant à la critique qu’au public et dont les derniers livres paraissent à chaque rentrée littéraire, marketing éditorial oblige. Nina Bouraoui (née en 1967) fait partie de ceux-là. Depuis 1991, un livre d’elle parait presque chaque année : Garçon manqué (2000), La Vie heureuse (2002), Poupée Bella (2004), Mes mauvaises pensées (2005), Avant les hommes (2007) et, parmi les derniers, Appelez-moi par mon prénom (2008 - aujourd'hui en poche)… un petit roman par son sujet et par son format, une centaine de pages. Victime de son temps ou influencée par son époque, sa littérature marque un profond attrait pour l’autofiction.

P. est un jeune homme de 23 ans, beau gosse, artiste obscur et tiraillé, sorte de sculpteur peintre postmoderne vivant à Lausanne, dont s’éprend la narratrice Nina Bouraoui. En effet, ce dernier s’est servi d’un extrait de son journal intime (on devine qu’il s’agit de Poupée Bella, publiée il y a six ans ans.) pour illustrer l’une de ses œuvres torturées. Et c’est comme cela qu’ils sont amenés à se rencontrer. Là, il fabrique une cellule qu’il doit exposer puis détruire pour une sorte de concours universitaire (Hum !). En lui laissant la primauté de se servir de ses mots, N. s’amourache de l’étudiant des beaux-arts au point de ne concentrer sa vie que sur cet artiste solitaire et secret. Attentes, doutes, projections, fantasmes, lectures de mails, pensées obsessionnelles, attirance physique, cœur en miettes, voyage romantique... bref, l’auteure est amoureuse et nous le prouve par écrit en usant de toutes les métaphores qui vont dans le sens du bouleversement moral et chimique que le désir opère chez nous tous. L’ennui c’est que le jeune homme semble souffrir d’un amour perdu et qu’il a quinze ans de moins qu’elle. Mais on passe vite sur ces différences de second ordre. Les questions affluent donc et les sentiments grandissent dans une atmosphère assez calme du reste, sans excès ni délires.

A chaque écrivain correspond son roman de la passion. Ce repère biographique qui décide de cloisonner ou pas une œuvre globale prend ici tout son envol. Un être arrive dans la vie d’un autre et peut décider de la voie à parcourir pour la suite. Ils sont deux artistes contemporains, l’un peint et sculpte, l’autre écrit. Les correspondances humaines et esthétiques vont se mêler durant l’ouvrage, composé comme un unique monologue compact et brut. Bouraoui écrit ici un seul paragraphe à la première personne du singulier pour signifier de manière assez légère ce qu’est le début d’un amour en 2006 (l’action semble se passer à ce moment). Pas de passage à la ligne, ni de chapitre, le texte est conçu comme chaque passion amoureuse : brutal et imprévu.

Le roman, s’il se lit avec une sorte de plaisir vague, n’évite pas certains écueils propres au sujet dramatique qu’est la naissance d’un amour et de ses multiples interrogations. Car que craint la narratrice ? L’abandon, la lassitude du jeune type (quasiment jamais décrit) autant que la désillusion qui pèse sur toute union de cette nature. Orgueil de l’écrivain oblige, l’éclat naît de cette rencontre qui ne dépendait que de la création. Les mots de Poupée Bella sur les créations de l’étrange P. ont permis le rapprochement des âmes puis des corps qui se sont consumés (sans les détails dans le texte…) entre deux horaires de séparation. Bouraoui parcourt ainsi Paris, Lausanne, Zurich afin de promener le lecteur dans sa peau de femme écrivant sur cette passion un rien contraignante et incertaine, le tout au moyen de phrases dont la brièveté et la simplicité (du style : «L’amour, c’est compliqué») est l’axe central.

On s’attend à une rupture glaciale, brutale, inacceptable et injuste ; il n’en est rien. Le couple dure bien après que le lecteur a refermé pour toujours ce texte qu’il oubliera dans la seconde. Alors, afin de retenir une seule idée du style de Nina Bouraoui, on lui suggèrera la lecture de ce court extrait. A lui de juger : «J’avais l’idée que le désir de l’autre s’apprenait de façon lente, à force de le confronter à son propre désir. La jouissance reposait sur l’unité. Nous nous tenions encore à distance. Plus tard dans ses bras, je pensais à l’histoire du monde. Au ballet des planètes. À l’apesanteur. À l’illusion des étoiles. Je pensais à l’univers entier. À ce que l’homme ne pourra jamais contenir. Mes sentiments se déroulaient comme un ruban. Je tombais à l’intérieur de moi, gagnée par le vertige. Je sentais mes larmes monter, mes forces me quitter, nos corps se révélant puis se cachant l’un l’autre».

Ça peut continuer longtemps comme cela. Nina Bouraoui a jugé de faire durer la chose sur 140 pages. Elle a bien fait.


Jean-Laurent Glémin
( Mis en ligne le 13/07/2010 )
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