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Le temps des juges
Elie Wiesel   Le Cas Sonderberg
Seuil - Points 2009 /  6,50 € - 42.58 ffr. / 246 pages
ISBN : 978-2-7578-1268-6
FORMAT : 11cmx18cm

Première parution en août 2008 (Grasset).
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Yedidyah est devenu critique de théâtre parce que son professeur d'art dramatique lui confia au terme de sa formation qu'il le voyait plus dans la salle que sur les planches. Promu journaliste responsable des pages théâtrales dans un grand quotidien américain, rien ne le destinait à endosser le rôle de chroniqueur judiciaire. Jusqu'à ce qu'un jour son rédacteur en chef lui demande de remplacer un confrère souffrant pour couvrir le procès de Werner Sonderberg, jeune Allemand accusé d'avoir assassiné son oncle, Hans, lors d'un voyage dans les montagnes des Adirondacks. Le narrateur nous raconte alors comment sa vie bascula au cours des semaines pendant lesquelles il assista au jugement du jeune homme qui, curieusement, plaidait coupable ET non coupable. En effet, à partir du moment où il se voit confier la tâche de rédiger quotidiennement les comptes-rendus du procès, Yedidyah est assailli d'interrogations qui tissent le tortueux fil conducteur du roman.

Au premier chef, Sonderberg est allemand et Yedidyah est un Juif américain, issu d'une famille rescapée des camps de la mort. Ce face à face fortuit entre un survivant de la Shoah et un descendant des bourreaux nazis amène dans un premier temps le journaliste à s'interroger profondément sur son identité, et par-là sur la nature de sa judéité. Car si ses parents lui ont révélé depuis longtemps qu'il n'était que leur fils adoptif, jamais jusqu'au procès il n'avait ressenti le besoin d'explorer plus avant le mystère de ses origines.

C'est d'abord cette quête qui nous est contée dans le roman où le narrateur va peu à peu découvrir, en menant une enquête sur son passé, l'existence d'un autre Yedidyah. Car avant d'être le Yedidyah américain, élevé avec amour dans une famille d'intellectuels juifs, il fut un petit garçon apatride, né dans un village des Carpates et confié à une servante chrétienne juste avant que ses parents ne soient déportés. Tous les thèmes chers à Elie Wiesel sont une nouvelle fois réunis : le traumatisme de la Shoah, l'errance des apatrides, la souffrance des rescapés face à l'absence tragique des victimes, ainsi que la gratitude des survivants pour ceux qui se sont sacrifiés.

En même temps, sommé de rapporter les minutes de cet étrange procès où l'accusé ne se défend pas, le narrateur se pose le problème de la culpabilité : peut-on être, comme l'a affirmé énigmatiquement Sonderberg, à la fois coupable et non-coupable ? Est-on coupable des crimes de ses aïeux, et si non, sur qui peut se reporter le pardon des victimes ? Et si l'on ne peut pas pardonner, est-on à son tour coupable de ressentir trop de haine pour cela ? Ainsi Elie Wiesel fait affirmer à l'un des personnages : «Pour Camus, le choix se situe entre l'innocence et la culpabilité ; pour moi, c'est plutôt entre l'arrogance et l'humilité qu'il faut choisir. La question n'est pas de savoir si nous sommes tous coupables, mais si nous sommes tous juges» . Et plus loin : «Mais alors, qui jugera les juges ?»

Depuis cinquante ans qu'il écrit, Elie Wiesel n'a eu de cesse de démontrer, tout en témoignant inlassablement sur la pire catastrophe du XXe siècle, qu'il était non seulement nécessaire mais possible de reconstruire sur les ruines des horreurs passées. S'il a écrit des romans, des essais, des pièces de théâtre pour, à partir de sa terrible expérience de l'univers concentrationnaire, tenter de cerner la nature du Bien et du Mal et de délimiter la frontière qui les sépare, c'est toujours armé d'une inextinguible foi en l'Homme.

Le Cas Sonderberg n'y fait pas exception : c'est dans l'issue du procès, qui n'est révélée que dans le dernier quart du livre, que réside la clé du roman, véritable message d'espoir ; de même que Yedidyah est devenu critique de théâtre parce qu'il était meilleur spectateur qu'acteur, le Sage Elie Wiesel s'est fait contemplateur bienveillant bien que lucide du théâtre du monde dont il célèbre malgré tout la beauté. Son conseil : «Faire de chaque journée une source de grâce, de chaque heure un accomplissement, de chaque clin d'oeil une invitation à l'amitié. De chaque sourire une promesse. Tant que le rideau n'est pas tombé, tout reste possible. Quelque part sur la terre, chacun joue sa propre pièce ; elle fait pleurer ou rire aux éclats un inconnu ici et un autre là-bas. Leur lien est la récompense du poète».

Et s'il y dénonce à nouveau l'horreur de la Shoah et la haine que suscite forcément l'indifférence des bourreaux, il évoque également le problème d'Israël et des Palestiniens dans un optimisme qu'on aimerait contagieux : «Ses deux fils vivront leur vie en Terre sainte : là aussi, un jour Juifs et Musulmans apprendront à construire la paix». Alors, seulement peut-être, semble affirmer le messianique Elie Wiesel, il n'y aura plus besoin de juges.


Natacha Milkoff
( Mis en ligne le 05/10/2009 )
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