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La chair et l'image
Michel Schneider   Marilyn. Dernières séances
Gallimard - Folio 2008 /  7,40 € - 48.47 ffr. / 534 pages
ISBN : 978-2-07-034928-9
FORMAT : 11,0cm x 18,0cm

L'auteur du compte rendu : Scénariste, cinéaste, Yannick Rolandeau est l’auteur de Le Cinéma de Woody Allen (Aléas) et collabore à la revue littéraire L'Atelier du roman (Flammarion-Boréal) où écrivent, entre autres, des personnalités comme Milan Kundera, Benoît Duteurtre et Arrabal.

Prix interallié 2006

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Né en 1944, Michel Schneider, écrivain et critique littéraire, a été directeur de la musique et de la danse au ministère de la Culture de 1988 à 1991. Il est l'auteur de La Comédie de la culture et de plusieurs ouvrages sur la musique, notamment Glenn Gould piano solo, Prima donna, Musiques de nuit. Il a reçu le prix Médicis de l'essai en 2003 pour Morts imaginaires et le prix Interallié 2006 pour Marilyn. Dernières séances. Ce dernier, qui sort aujourd’hui au format poche chez Folio, relève à la fois de l’essai et du roman sans être ni l’un ni l’autre. Ce choix est volontaire et obéit à une logique particulière (Michel Schneider est aussi psychanalyste) qui est celle de penser que «seule la fiction donne accès au réel», comme il le dit. Il y a donc ici un savant mélange, mélange évidemment troublant, des personnages réels et des personnages de fiction.

Marilyn. Dernières séances nous fait rentrer dans la relation entre la star et Ralph Greenson, dernier psychanalyste de Marilyn Monroe. L'actrice est dans un état psychique et physique délabré... La relation qui s'établit entre elle et Greenson prendre assez vite un tour ambigu, complexe et trouble : une relation de dépendance mutuelle, une liaison amoureuse sans sexe... pendant trente mois, de janvier 1960 au 4 août 1962. Elle lui avait donné comme mission de l'aider à se lever, à jouer au cinéma, à aimer, de l'aider à ne pas mourir. On l'accusa d'avoir eu sa peau. Pourra-t-on jamais expliquer les événements de la nuit du 4 au 5 août 1962, quand Marilyn Monroe trouva la mort ?

En fait, ce n’est pas le propos de Michel Schneider qui, fort heureusement, malmène la chronologie comme pour nous faire épouser les méandres de l’existence de Marilyn Monroe. Le tout est fait de chapitres courts au style concis et clair. Le portrait en tout cas nous fait toucher du doigt la complexité des rapports entre Marilyn Monroe et… le reste du monde. On croise ainsi Billy Wilder, Frank Sinatra, John Huston, George Cukor et tant d’autres stars, président des États-Unis, artistes, personnalités en tout genre, amis, ennemis ou amants. Au fil de la lecture, Marilyn Monroe apparaît comme à la fois insupportable et touchante. D’un autre côté, beaucoup de gens ont abusé d’elle, de sa beauté et de ses faiblesses. Elle est autant responsable de sa mort que les autres le sont. Marilyn Monroe mesurait sans doute son amour-propre à la quantité d'hommes qu'elle était capable d'attirer ou de séduire. Sans oublier qu’elle avait de surcroît des problèmes… des traumatismes d'enfance, un manque d'estime de soi, un besoin obsédant de l'approbation des autres, une incapacité à maintenir des liens d'amitié ou d'amour, une peur viscérale d'être abandonnée.

C’est elle qui dira un jour avec lucidité : "Je me suis toujours sentie une non-personne et ma seule manière d'être quelqu'un a été probablement d'être quelqu'un d'autre. C'est pour ça que j'ai voulu jouer et être actrice" (p.99). On a sans doute là la matière même du problème qui empoisonnera toute son existence. Une fois qu’on croit être devenu autre, on cherche un «nouveau soi-même» car ce «soi-même» n’est jamais évidemment là où l’on croit le trouver ! Comme un rôle sans cesse différé. Plus on tente de l’endosser, moins on est soi-même. C’est tout le problème de la chair et de l’image. Une telle fracture ne pouvait qu’être tragique.

Ses amis et collègues la voyaient souvent en train de se détailler dans un miroir à trois faces. Impossible en effet pour elle de croiser un miroir sans se regarder dedans. Le miroir est traître car à l’inverse d’une photo, outre qu’il y a toujours quelqu’un derrière un objectif, il ne renvoie pas un reflet exact de soi mais une image inversée. Alors que la photo renvoie une image fidèle de vous, telle que les autres vous voient, d’où le décalage entre ne point s’aimer dans les photos et être fasciné par son image dans le miroir, image dans laquelle on s’est habitué à se voir. «Truman Capote raconte qu’un jour il l’avait vue assise pendant des heures devant son reflet. Il lui avait demandé ce qu’elle faisait, et elle avait répondu : «Je la regarde»» (p.315). Inventée ou pas, l’anecdote est parlante.

C’est peut-être pour cela qu’elle épousera Arthur Miller, un intellectuel, histoire de compenser et de combler ce surplus de chair par de l’esprit, avec un romancier. Évidemment, cela ne peut pas aller. "Pour une fois qu'on ne me demande pas d'ouvrir ma bouche ou mes jambes, tu parles d'une aubaine !", dit-elle à Truman Capote. Pour Marilyn Monroe, être une femme aussi belle et plantureuse et n’être vue que comme un objet sexuel posait un problème grave.

Si le livre de Michel Schneider est un poil trop long, il reste simple (un tour de force), parvenant à restituer la complexité du personnage et du milieu, le tout restant une énigme. Marilyn Monroe offrait un détonant mélange de candeur, de beauté, de narcissisme et de morbidité. Tragique destin, pathétique destin ; certains passages nous serrent le cœur devant tant d’abus, tant d’humiliations. Marilyn Monroe disait justement : «Les gens ont l’habitude de me regarder comme si j’étais une sorte de miroir, et non une personne. Ils ne me voient pas. Ils voient leur propre obscénité en moi. Ensuite ils mettent leur masque et me traitent de femme obscène» (p.420). Limpide ! Il est clair qu’il vaut mieux, dans l’existence, avoir affaire à la réalité concrète des êtres qu’à leurs fantômes… On s’y perd et l’on y perd les autres, et inversement... Un vertige sans fin.


Yannick Rolandeau
( Mis en ligne le 07/04/2008 )
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