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Geneviève, Juliette, Flore et Cie…
Anne Martin-Fugier   Les Salons de la IIIe République - Art, littérature, politique
Perrin - Tempus 2009 /  9 € - 58.95 ffr. / 508 pages
ISBN : 978-2-262-03075-9
FORMAT : 11cm x 18cm

Première publication en août 2003 (Perrin).
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L’historien reprochera toujours au littéraire de ne jamais suffisamment recourir aux sources primaires, aux archives, de ne pas recouper les témoignages en ne se contentant que des textes publiés : partie immergée de l’iceberg, en outre colorée d’un fard rétrospectif souvent menteur. Le fossé méthodologique entre les études littéraires et les études historiques, certes aggravé par des considérations plus prosaïques de concurrence, des stratégies menées pour occuper un terrain partagé, des objets communs, n’en est pas moins réel et grave. Les littéraires apportent toute la saveur de l’anecdote, la beauté d’un style, les délicatesses ou les indélicatesses d’êtres humains peints en héros de romans. Les historiens pensent contexte, problématiques à discuter, vérité historique, milieu sociaux et culturels, origines et devenirs des phénomènes, parfois au prix d’études plus sèches et indigestes. In medio veritas…

Les Salons de la IIIe République entre dans ce débat. Anne Martin-Fugier, grande littéraire, exprime dans ses œuvres les qualités et les défauts de sa formation. Les premières consistent en une plume fine et alerte, un propos glissant et agréable, une connaissance érudite des grands textes sur la question, romans, grandes correspondances publiées et mémoires d’acteurs illustres : Proust, Lucien Corpechot (Souvenirs d’un journaliste, Plon, 1936), le (trop ?) fameux Journal des Goncourt, Juliette Adam, l’abbé Mugnier… Un autre grand mérite des enquêtes de l’auteur est d’aborder des sujets généralement peu traités : les sociabilités mondaines au XIXe siècle, et les sociabilités en général. De la sorte, Anne Martin-Fugier, offre avec ses panoramas des synthèses utiles, rassemblant des informations dispersées dans une littérature pléthorique.

Mais, aux yeux de l’historien, les défauts l’emportent. On aimerait indiquer à Mme Martin-Fugier le chemin des Archives Nationales ou de la Bibliothèque nationale de France, où dorment des correspondances inédites, riches en informations. Ces fonds étayeraient une démonstration sinon bancale.
Les deux problématiques grossièrement développées ici ne convainquent en effet pas : le statut compromis des grands salons aristocratiques dans la IIIe République, ère de démocratisation, n’y est pas suffisamment discuté. De même, affirmer qu’un «homme de lettres n’est donc acceptable qu’à la condition qu’il se conduise en homme du monde et n’exhibe pas son identité professionnelle», apparaît quelque peu lapidaire faute d’une enquête plus aboutie. Il manque de plus à l’ouvrage un découpage chronologique mieux affiné ; la troisième république ayant duré soixante-dix ans, et une exigence d’exhaustivité qui lui ôterait un caractère par trop impressionniste et anecdotique… Citer Mes p’tits papiers de Régine (Pauvert, 2002), laisse par ailleurs franchement dubitatif !

Cecit dit, l’ouvrage se lit bien et l’on apprend beaucoup sur les us et coutumes de l’aristocratie en République. Anne Martin-Fugier esquisse, mais esquisse seulement, un essai d’anthropologie sociale. On apprend énormément sur le faste des grandes réceptions, des bals et des dîners. Aux altitudes présidentielles, la pingrerie des Thiers et l’austérité des Ferry le disputent au faste des Mac Mahon et aux dépenses somptuaires de Sadi Carnot. La IIIe République voit un déplacement de la saison mondaine, s’étendant traditionnellement de décembre à Pâques, entre janvier et juin. «Si vous allez voir quelqu’un et que vous ne le trouvez pas chez lui, vous déposez une carte cornée du côté droit. […] La personne chez laquelle vous avez déposé une carte cornée vous doit une visite en retour», nous explique l’auteure. Elle décrit, textes à l’appui, les bals restés dans les annales, ceux de la Princesse de Sagan au début de la République, ceux de la comtesse Aynard de Chabrillan ensuite. Boni de Castellane est réputé l’homme le plus chic de son temps, etc.

L’importance des salons pour les écrivains de l’époque est également soulignée. Ces antichambres de la publication, des prix et des honneurs ont fait des carrières : Juliette Lamber, future Mme Adam, introduisit Gambetta aux subtilités de cette sociabilité mondaine ; un chapitre est consacré à Anatole France et Jules Lemaître, chacun ayant eu son égérie mondaine, Mme de Cavaillet et Mme de Loynes respectivement. Quant aux Polignac, jusqu’à aujourd’hui d’ailleurs, ils furent de grands mécènes des arts et des lettres, de Verlaine aux ballets russes de Diaghilev en passant par les impressionnistes et maints compositeurs.

Enfin, épigones de Mme Récamier, toutes les «Oriane» de cette autre époque font l’objet de portraits fouillés : Gyp, Geneviève Strauss, Flore Singer, Mme de Gautherau, dite la «Vénus républicaine», le salon de Hugo et Juliette Drouet, Marie Peyrat, et bien d’autres. Mais à choisir, ne vaut-il pas mieux se (re)plonger dans un volume de la Recherche ?...


Thomas Roman
( Mis en ligne le 08/12/2009 )
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