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L’histoire diplomatique du «siècle de fer» sous un œil original | | | Claire Gantet Guerre, paix et construction des Etats. 1618-1714 - Nouvelle histoire des relations internationales. Volume 2 Seuil - Points histoire 2003 / 9 € - 58.95 ffr. / 414 pages ISBN : 2-02-039513-4 FORMAT : 11x18 cm
Lauteur du compte rendu : Éric Alary, agrégé dhistoire, Docteur ès Lettres de lIEP de Paris thèse sur la ligne de démarcation publiée en 2003 chez Perrin -, est professeur en Lettres Supérieures et en Première Supérieure au lycée Camille Guérin de Poitiers. Imprimer
Après les deux volumes de Jean-Pierre Bois, sur le XVIIIe siècle, et de Jean-Michel Sallmann, sur le XVIe siècle, la «Nouvelle histoire des relations internationales» poursuit la série avec Claire Gantet et son ouvrage de synthèse, qui se propose détudier la construction des Etats entre le début de la Guerre de Trente Ans (1618-1648) et la fin de la Guerre de Succession dEspagne (17011714). Le XVIIe siècle ou «siècle de fer» est ainsi couvert.
Après de nombreuses recherches et publications sur lespace germanique notamment létude très précise de la Paix de Westphalie en 2001 (Belin) -, Claire Gantet fait le point des recherches les plus neuves en histoire diplomatique. Lune des questions centrales est la structuration des relations internationales par la guerre et par ses multiples conséquences. La bibliographie est abondante en français ; la connaissance par lauteur des ouvrages anglais et surtout allemands enrichit considérablement le propos.
En introduction, un point historiographique fort intéressant est dressé en ce qui concerne les apports récents de lhistoire des relations internationales de lépoque moderne à travers létude des guerres et de la paix. Claire Gantet prévient cependant en exorde que le choix des bornes chronologiques est celui de léditeur et quil est surtout idoine pour lEurope occidentale. Elle prend le parti daborder des thèmes neufs, au sein de trois grandes parties acteurs et structures ; géopolitique des conflits ; circulation, contacts et échanges. Ces thèmes offrent des angles dattaque originaux, afin de comprendre la construction étatique moderne : les représentations de lespace, laffirmation des consciences nationales, la place des marchés de lart dans la diplomatie, les migrations, les débats didées, la perception et laccueil des étrangers, parfois violent ; les perceptions de la nation, la place des langues, la transmission des valeurs, etc.
Le XVIIe siècle est un siècle de guerres. Même en temps de paix, la guerre produit ses effets. Lhistorienne analyse la vie politique intérieure des Etats à la lumière des relations internationales composées de tensions dynastiques et de guerres estimées parfois comme «justes» ; dutiles bilans sur la pensée des relations internationales sont intégrés à létude générale. Aussi, lauteur ne tente-t-il pas de refaire une autre histoire complète des relations internationales au XVIIe siècle, même si elle doit passer en revue les négociations et leurs acteurs. Le développement des ambassades ne pouvait pas être passé sous silence. Lanalyse problématique laisse de côté lhistoire descriptive des guerres, qui est faite dans de nombreux autres ouvrages.
Au terme du «siècle de fer», les relations internationales sont tissées de nouveaux liens entre lEurope et les autres continents découverts ; tout a changé depuis 1648 avec une Europe qui a vu son influence grandir sur des espaces de plus en plus vastes, un Japon qui se développe, etc. La guerre et la diplomatie génèrent les flux de capitaux, duvres dart, dhommes, de marchandises, dinformations diplomatiques et de soldats. Une culture de guerre marque les sociétés du XVIIe siècle. La guerre est ainsi au cur des relations entre le politique, le social, léconomique et le culturel. Elle est si omnipotente que tout est fait pour la limiter à une époque où les armes sont de plus en plus meurtrières. La dimension des armées est également de plus en plus imposante. Selon lhistorienne, les limites entre certains types de guerre ne sont pas toujours claires, par exemple entre la guerre civile et la guerre internationale.
Pour autant, une idéologie de la paix plus sophistiquée se développe. Parallèlement, les frontières sont encore mal délimitées et mal respectées. Elles ne couturent pas encore lespace comme les limites précises quelles constituent de nos jours. Ce qui est avéré, cest la volonté des Etats de posséder le monopole de lutilisation légitime de la violence, malgré ces efforts incontestables pour la paix.
Claire Gantet a essayé de se tourner vers létude des espaces extra-européens à travers lexportation des conflits européens dans lempire ottoman, les espaces coloniaux en construction tant en Asie quen Afrique et dans les Amériques. La tâche est des plus ardues, car les recherches scientifiques pointues font encore défaut. Cest une démarche pionnière et une piste est ouverte pour dautres recherches et publications.
Louvrage est incontournable pour tous les étudiants, les chercheurs et les enseignants qui recherchent un manuel sur les relations internationales de lEurope moderne au XVIIe, vues sous un il neuf. Il est complété par un index et des annexes (cartes, deux généalogies, une chronologie très complète, la liste des papes, des princes, des gouvernants et des ministres).
Eric Alary ( Mis en ligne le 24/03/2004 ) Imprimer
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