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Le Livre noir du colonialisme | | | Marc Ferro collectif Le Livre noir du colonialisme - XVIe-XXIe siècle : de l'extermination à la repentance Hachette - Pluriel 2004 / 14.50 € - 94.98 ffr. / 1124 pages ISBN : 2-01-279183-2 FORMAT : 11x18 cm
Ouvrage paru une première fois en janvier 2003 (Robert Laffont). Imprimer
Cet ouvrage sinscrit explicitement dans la filiation du Livre noir du communisme, paru en 1998 chez le même éditeur, sur la base dun postulat formulé par Hannah Arendt selon lequel nazisme, communisme et colonialisme seraient également parties prenantes au totalitarisme, quelle que soit lantériorité du dernier par rapport aux deux premiers. Il réunit une trentaine de contributions couvrant la totalité des aires de colonisation (à lexception de litalienne) et les deux âges de limpérialisme colonial, non sans intégrer maints épisodes de la décolonisation. Il fait appel à des historiens chevronnés (Marc Ferro, Pierre Brocheux, Catherine Coquery-Vidrovitch, Elikia MBokolo, etc.) comme à de jeunes chercheurs parmi lesquels plusieurs étrangers.
Comme il sagit souvent dun ouvrage collectif et de surcroît portant sur un sujet aussi vaste, le bilan est mitigé. Il apprendra beaucoup au lecteur français sur certaines réalités coloniales lointaines (hollandaises, japonaises ou russes), sur le massacre des Aborigènes dAustralie, sur les aspects peu reluisants de la politique anglaise en Inde, belge au Congo, française en Indochine. Les chapitres relatifs à la traite et à lesclavage avec et dans le continent américain relèvent davantage de mises au point bien informées. Et lon peut regretter que le chapitre consacré à lanticolonialisme ne soit que la reprise un peu paresseuse dun livre vieux dune quarantaine dannées, omettant des noms, des revues et des organisations qui devaient y trouver place.
Mais le malaise du lecteur vient dautre chose. Dabord dune conception à ce point extensive du colonialisme que les auteurs finissent par lui imputer des crimes dont il nest pas responsable, tels les «événements du 11 septembre 2001» qui ouvrent le livre, ou encore le traitement infligé par les nazis aux métis noirs Allemands nés de la présence militaire française en Rhénanie au début des années vingt. Surtout, si le livre reconnaît sans sy attarder cependant que le colonialisme nest pas réductible aux crimes quil a enfantés, sil reconnaît aussi dans lexaltation de la négritude une forme de racisme à front renversé, il procède dans lensemble de cette démarche culpabilisatrice dont la Conférence mondiale contre le racisme tenue à Durban en septembre 2001 est la manifestation revendicatrice et dont le sous-titre «de lextermination à la repentance» est lépitaphe. Or, si le premier terme en est peut être admissible, le second pose pour le moins problème quand tant de dictatures sanguinaires et de paupérisme aggravé restitue une part de légitimation aux entreprises coloniales en deçà et par-delà la nécessaire et inéluctable indépendance.
Lhistoire morale et lhistorien moralisateur sont également gênants. Le premier devoir moral de lhistorien est celui de lexactitude, par respect de la vérité autant que du lecteur. A cet égard et à côté derreurs vénielles dates et prénoms inexacts il est pénible de lire (p.499) que «les élections de 1947 «à la Naegelen» devaient donner un nouveau statut à lAlgérie» ou (p.541) que le M.T.L.D. était le parti de Fehrat Abbas. Tels sont les regrets qui émaillent la lecture dun livre assurément riche de bonnes contributions mais un peu trop «vite fait».
Bernard Droz ( Mis en ligne le 31/03/2004 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:La Révolution française et la fin des colonies de Yves Benot Massacres coloniaux de Yves Benot Médecine et colonisation de Laurence Monnais-Rousselot | | |
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