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La Naissance de l’Etat moderne
Françoise Hildesheimer   Du siècle d’or au Grand Siècle. L’Etat en France et en Espagne, XVIe-XVIIe siècle
Flammarion - Champs Université 2000 /  8.7 € - 56.99 ffr. / 355 pages
ISBN : 2-08-083017-1
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Chaque année, les concours de recrutement des professeurs de l’enseignement du second degré, offrent aux éditeurs l’occasion de mettre sur le marché une multitude d’ouvrages qui se proposent de fournir aux étudiants les armes leur permettant de dominer des programmes souvent gigantesques. Si bon nombre de ces publications ne peuvent guère prétendre à être plus que d’utiles manuels de bachotage, certaines autres, en revanche, parviennent à survivre aux épreuves du concours et à faire figure de synthèses de référence sur les sujets qu’elles abordent. C’est sans aucun doute dans cette seconde catégorie qu’il convient de ranger le récent le livre de Françoise Hildesheimer, dont le sous-titre indique clairement qu’il a été suscité par la nouvelle et passionnante question d’histoire moderne du CAPES et de l’agrégation.

Conservateur en chef du patrimoine, Mme Hildesheimer est également professeur associé à l’Université Paris I. Sa formation de chartiste l’a naturellement conduite à écrire sur les archives : on lui doit notamment un Guide des papiers privés à l’époque révolutionnaire (Archives Nationales, 1987) ainsi qu’un ouvrage sur les archives privées, publié en 1990 (Les archives privées : le traitement des archives personnelles, familiales, associatives, Editions Christian). Docteur en histoire, Mme Hildesheimer s’est imposée comme une éminente spécialiste de l’histoire des maladies et des épidémies. Elle a ainsi publié Le bureau de la santé de Marseille sous l’Ancien Régime : le renfermement de la contagion marseillaise (Fondation d’histoire de la Provence, 1980), La terreur et la pitié : l’Ancien Régime à l’épreuve de la peste (Publisud, 1990) et Fléaux et société : de la grande peste au choléra (Hachette, 1993). L’histoire religieuse constitue également un de ses centres d’intérêt : elle est l’auteur de deux rapides synthèses sur le jansénisme (Le jansénisme en France aux XVIIe et XVIIIe siècle, Publisud, 1992 et Le jansénisme, l’histoire et l’héritage, Desclée de Brouwer, 1992.) Enfin, depuis plusieurs années, Françoise Hildesheimer se passionne pour Richelieu dont elle a publié en 1985 une biographie dans laquelle elle met en parallèle les idées du cardinal-ministre sur l’Etat et les moyens utilisés pour leur réalisation (Richelieu : une certaine idée de l’Etat, Publisud, 1985). Elle explore ainsi un certain nombre de thèmes qui sont également au coeur de l’ouvrage qui nous occupe.

L’affirmation de l’Etat moderne aux XVIe et XVIIe siècle est en effet un phénomène qui ne laisse pas d’interroger les historiens, et le livre de Mme Hildesheimer témoigne de l’incontestable renouvellement qu’a connu récemment l’historiographie relative à cette question. A travers une comparaison entre la France et l’Espagne, Du siècle d’or au Grand Siècle, aborde ainsi les différents problèmes que soulève l’apparition dans l’histoire de cette nouvelle entité politique qui entend exercer une souveraineté exclusive, unique et unifiante sur le territoire dont elle a la charge. Dans un premier temps, Françoise Hildesheimer s’emploie donc à dépeindre les rapports, souvent conflictuels, qu’entretiennent durant toute cette période la France et l’Espagne, insistant sur le fait que la construction politique de l’Etat s’est inscrite dans la rivalité entre ces deux puissances. L’Etat moderne s’étant développé à partir d’une forme monarchique de gouvernement, la notion d’absolutisme est également au coeur du sujet. La comparaison entre les deux pays se révèle d’ailleurs ici particulièrement intéressante, puisque si la monarchie française s’est épanouie dans un royaume territorialement bien circonscrit, la couronne d’Espagne, en revanche, a dû fédérer une vaste mosaïque de possessions jalouses de leurs particularismes. De fait, on ne peut parler à cette époque d’un véritable Etat national espagnol.

Dans une civilisation européenne où le paramètre religieux constitue un aspect crucial des affaires politiques, l’étude des relations entre Etat et religion apparaît également comme une étape essentielle de toute réflexion sur la naissance de l’Etat moderne, et Mme Hildesheimer consacre à cette question complexe des pages tout à fait éclairantes. Puis, constatant le caractère endémique de la guerre durant ces deux siècles, elle souligne le poids encore prépondérant de la chose militaire dans le fonctionnement des deux monarchies. En effet, comme le rappelle Jean Meyer, "la monarchie absolue ne se différencie pas tellement de l’Empire Romain, dont l’essentiel des dépenses étaient militaires, dont la carapace extérieure était formée par l’armée des frontières faibles" (Le poids de l’Etat, P.U.F., 1983).

Ces guerres continuelles sont pour une large part à l’origine de l’insatiable soif d’argent, et donc de l’aggravation du poids de l’impôt, qui caractérise durant cette période les monarchies française et espagnole. Ce développement de la fiscalité ayant à plusieurs reprises entraîné en France de violents mouvements de révolte, Mme Hildesheimer aborde alors la question de l’insoumission à l’autorité de l’Etat, et plus largement, celles des limites de l’absolutisme monarchique. Enfin, dans un dernier chapitre, elle s’attache aux modes de fonctionnement des deux Etats, ainsi qu’aux expressions cérémonielles du pouvoir royal, dont on sait qu’elles ont été l’objet d’une attention particulière de la part de ce qu’on a appelé "l’école cérémonialiste américaine".

On le voit, Mme Hildesheimer adopte une démarche résolument thématique et comparatiste. Il s’agit sans doute là du principal mérite de cet ouvrage, mais peut-être aussi de son principal inconvénient. En effet, malgré la présence d’un très utile glossaire critique qui fait le point sur un certain nombre de notions et de thèmes, on sent bien que le propos principal de Mme Hildesheimer n’est pas tant d’apporter au lecteur les connaissances de base sur la question que de lui exposer les diverses aspects d’une problématique complexe. De fait, ce livre brasse un très grand nombre de faits, d’évènements et d’idées, et s’il suscite assurément la réflexion, il pourra aussi dérouter certains lecteurs peu familiers avec cette période, lesquels le trouveront sans doute trop abstrait ou parfois trop allusif. S’agissant d’une synthèse qui s’adresse essentiellement aux étudiants préparant le CAPES et l’agrégation, ceci peut apparaître comme un défaut majeur.

Sur le fond, si on peut reprocher à Mme Hildesheimer de trop centrer sa réflexion sur la comparaison Richelieu-Olivares, et donc de faire la part belle à la première partie du XVIIe siècle, on lui sait gré de rappeler certaines vérités et de battre en brèche plusieurs idées reçues sans doute encore solidement ancrées dans l’esprit de bien des étudiants. Ainsi, elle montre combien la vision traditionnelle d’un Etat absolutiste qui se serait imposé autoritairement depuis le centre doit être nuancée, soulignant le fait que les monarchies ont souvent dû composer avec de forts particularismes locaux et ont été amenées à faire preuve au quotidien d’une infatigable "capacité de négociation et de compromis". De même, alors que le vocabulaire contemporain tend à confondre la notion d’absolutisme avec celle de tyrannie ou de dictature (quand ce n’est pas parfois avec celle de totalitarisme...) elle rappelle que les idées de souveraineté se sont dégagées au milieu des troubles civils, alors "qu’un pouvoir royal fort apparaissait comme la meilleure garantie contre l’anarchie et l’injustice". Enfin, à la suite notamment de Roland Mousnier et de l’historien allemand Jörg Wollemberg, elle montre combien l’image traditionnelle d’un Richelieu disciple de Machiavel et laïcisateur de la politique apparaît aujourd’hui simpliste.

En définitive, voici donc un livre qui, du strict point de vue pédagogique, peut prêter le flanc à la critique, mais qui n’en demeure pas moins fort stimulant sur le plan intellectuel.


Sébastien Malingre
( Mis en ligne le 12/03/2001 )
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