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Le Conquérant entre la Prusse et Vichy
Jacques Benoist-Méchin   Alexandre le Grand ou le rêve dépassé
Perrin - Tempus 2009 /  9 € - 58.95 ffr. / 351 pages
ISBN : 978-2-262-02841-1
FORMAT : 11,0cm x 18,0cm

Voir aussi :

- Gustave Droysen, Alexandre le Grand, Complexe, janvier 2005, 503 p., 11.69 €, 18x12 cm, ISBN : 2-87027-413-0.

L'auteur du compte rendu : Sébastien Dalmon, diplômé de l’I.E.P. de Toulouse, est titulaire d’une maîtrise en histoire ancienne et d’un DEA de Sciences des Religions (EPHE). Ancien élève de l’Institut Régional d’Administration de Bastia et ancien professeur d’histoire-géographie, il est actuellement conservateur à la Bibliothèque Interuniversitaire Cujas à Paris. Il est engagé dans un travail de thèse en histoire sur les cultes et représentations des Nymphes en Grèce ancienne.

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L’impressionnante biographie consacrée par Gutave Droysen à Alexandre le Grand a fait l’objet d’une nouvelle édition chez Complexe. C’est l’une des plus puissantes synthèses historiques léguées par le XIXe siècle. L’ouvrage reste d’un grand intérêt, bien que sur certains points les analyses soient bien souvent vieillies. Le livre, paru en 1833, est l’œuvre d’un jeune homme (il a alors vingt-cinq ans) enflammé par l’Antiquité classique, mais dont le romantisme n’exclut pas une érudition très sûre. Précepteur et ami de Félix Mendelssohn, Droysen est surtout l’élève du philologue Auguste Boeckh, marqué par la philosophie de Herder, mais aussi de Hegel. Sa conception de l’histoire est donc téléologique, même si celle-ci ne progresse pas en ligne droite, mais suivant des schémas répétés et à travers des alternatives d’action et de réaction en apparence contradictoires. C’est son amour de l’hellénisme, le patriotisme et la foi de son enfance qui conduisent Droysen à s’intéresser à la figure d’Alexandre. Le fils de Philippe II de Macédoine revêt à ses yeux le caractère d’un personnage providentiel. Par ses conquêtes, il lui apparaît comme le couronnement de la civilisation grecque ; par sa volonté de syncrétisme religieux et l’affirmation de sa propre divinisation, il ouvre d’après lui la voie au monothéisme chrétien ; enfin, par la concorde qu’il impose aux cités grecques, toujours en guerre ouverte, il est un exemple à proposer à ceux que hantent l’idée de l’unification allemande.

L’ouvrage se lit comme une épopée antique, comme le récit d’une existence fabuleuse et romanesque. Droysen s’est voulu le Homère de son héros, qui avait eu moins de chance que son ancêtre Achille. Le plan est chronologique et le récit détaillé ; l’auteur n’oublie pas non plus de nous dresser les différents décors de son histoire, de la Macédoine à l’Inde en passant par l’Egypte, la Babylonie ou la Perse. Droysen scrute aussi avec un intérêt particulier les mesures administratives prises par le vainqueur dans les territoires conquis. Il note son respect des traditions, des lois et des cultes locaux. Le but du monarque lui apparaît être la réconciliation de l’Orient et de l’Occident. C’est ainsi qu’il faut interpréter selon lui le mariage avec Roxane, le conflit avec Callisthène ou les noces de Suse. L’avenir est pour lui du côté de la monarchie et de l’unification impériale, non du côté des démocraties helléniques et de leur particularisme «municipal».

L’ouvrage, critiqué, fut cependant vivement apprécié par une petite élite qui encouragea Droysen à poursuivre sa tâche. Dans son esprit, la vie d’Alexandre n’était que l’introduction d’une vaste histoire de l’Hellénisme («Hellenismus»), qui devait aller de la mort du Conquérant à la naissance de Jésus (on lui doit ainsi l’adjectif «hellénistique»). Mais à partir de 1843, Droysen s’intéresse à une histoire plus contemporaine et se consacre à la Prusse. Il considère d’abord Bismarck avec méfiance, puis finit par y voir le chef providentiel dont l’Allemagne a besoin. Après la proclamation de l’Empire Allemand en 1871, il est néanmoins gagné par la désillusion et retourne à ses premières amours antiques, remaniant son Histoire de l’Hellénisme, et y intégrant son Alexandre refondu et quelque peu écourté.

C’est cette somme revue et corrigée à la fin de sa vie qui est d’abord traduite en français par Bouché-Leclerc en 1881 (rééditée chez Laffont dans la collection Bouquins en 2003). L’Alexandre de 1833, tout empreint de l’enthousiasme juvénile de son auteur, n’est traduit que 100 ans plus tard par le journaliste et historien Jacques Benoist-Méchin, qui signe aussi la préface, que l’on retrouve dans cette réédition de 2005.

Le préfacier partage avec Droysen les idées antidémocratiques et la fascination pour le culte du chef charismatique («dont nous avons, à l’heure actuelle, le plus pressant besoin»), ce qui n’est guère étonnant quand on connaît son parcours politique. Auteur d'une Histoire de l'armée allemande en 6 tomes (1936-1964), il fut membre du gouvernement de Vichy et, après 1945, emprisonné à Clairvaux. Il publia ensuite de nombreux ouvrages sur le Moyen-Orient (Mustapha Kémal, 1954 ; Ibn Séoud, 1955 ; Lawrence d'Arabie, 1961 ; Fayçal, roi d'Arabie, 1975).

Lui aussi a publié en 1976 un Alexandre le Grand. Le rêve dépassé qui emprunte beaucoup à Droysen, et qui connaît aujourd’hui la même résurrection éditoriale. L’ouvrage s’insère dans une série intitulée «Le rêve le plus long de l’histoire», où l’auteur a aussi consacré des biographies à Cléopâtre, Julien dit l’Apostat, Frédéric de Hohenstaufen, Bonaparte en Egypte, Lyautey et bien sûr Lawrence d’Arabie. Ce rêve qui selon Benoist-Méchin ne cesse de disparaître et de ressurgir au fil des siècles serait l’espoir de voir se réaliser enfin la fusion de l’Orient et de l’Occident. Dans la préface de son Alexandre, l’auteur souligne que «tantôt dépassé, tantôt calciné, tantôt fracassé, mais toujours inassouvi, il s’est effondré chaque fois et s’est achevé en désastre». On retrouve au reste dans le livre de Benoist-Méchin les mêmes accents romantiques que Droysen, la même fascination pour son héros et la même vision un peu datée du personnage, bien que certaines envolées lyriques restent fort plaisantes à lire. Mais la désillusion de Droysen a dû être aussi celle de Benoist-Méchin, qui appelait de ses vœux un nouveau chef charismatique, et a préféré se consoler avec les princes du désert d’Arabie. Vichy a pu combler un temps ses attentes, même s’il y a loin de l’octogénaire maréchal au fringant vainqueur d’Issos et d’Arbèles, mort à trente-trois ans (l’âge du Christ !) dans Babylone la Grande !


Sébastien Dalmon
( Mis en ligne le 26/05/2009 )
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