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Poches -> Histoire |
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Avoir le nez dessus (et dedans) | | | François Dufay Le Soufre et le moisi - La droite littéraire après 1945. Chardonne, Morand et les hussards Perrin - Tempus 2010 / 8 € - 52.4 ffr. / 237 pages ISBN : 978-2-262-03216-6 FORMAT : 11cm x 18cm
Première publication en août 2006 (Perrin)
L'auteur du compte rendu : Chargé d'enseignement en FLE à l'Université de Liège, Frédéric Saenen a publié plusieurs recueils de poésie et collabore à de nombreuses revues littéraires, tant en Belgique qu'en France (Le Fram,Tsimtsoum, La Presse littéraire, Sitartmag.com, etc.). Depuis mai 2003, il anime avec son ami Frédéric Dufoing la revue de critique littéraire et politique Jibrile. Imprimer
Malgré son titre odoriférant, cet essai de François Dufay naffolera que peu de narines. On comprend dailleurs mal ce qui aura motivé sa publication, qui napporte fondamentalement aucune pièce neuve au dossier de la réhabilitation littéraire de Chardonne et Morand par les Hussards. Louvrage na, comme on sy serait attendu, ni introduction ni conclusion, le défi den expliciter les tenants et les aboutissants étant en soi impossible à relever. De ce fait, il ne se réduit plus quà une entreprise de discrédit opportuniste, à lheure où lon reparlait beaucoup de Morand, à loccasion des trente ans de sa disparition (première publication en 2006, aujourd'hui en format poche).
Lessentiel de lexercice est de démontrer que le retour sur la scène littéraire des deux proscrits sénescents nest à mettre quau compte de Nimier, Blondin, Laurent et consorts. Ces blancs-becs échevelés, ivres de vitesse, dalcool, de célinisme, de conquêtes et accessoirement de style, auraient si habilement fait agir leur art de lentregent et leur souterraine influence quils seraient parvenus à laver la réputation ternie à leau de Vichy de leurs figures tutélaires. On pressent le péril planétaire que recelait ce complot.
Reviennent évidemment sur le tapis des anecdotes archi-connues sur lantigaullisme viscéral de Morand, sur son antisémitisme (déjà révélé au grand jour avec la parution en 2001 de son Journal inutile), sur sa manie déchanger avec Chardonne des correspondances fielleuses à lencontre de leurs contemporains, voire parfaitement ingrates à légard des auteurs qui leur étaient restés fidèles. Imaginons, en gros, ces barbons dun poussiéreux Muppet Show à la Kommandantur, postillonnant du haut du balcon de leur misanthropie sur une modernité quils abhorrent après lavoir adorée et servie ; nous obtiendrons alors un portrait assez juste de celui que veut en donner Dufay.
Très bien. Seulement voilà, lacharnement tue la pertinence du propos, lécume aux lèvres rend inaudibles les récriminations que lon prétend articuler. Dautant que, Dufay lui-même est forcé de ladmettre, le putsch tournera au fiasco. Si Morand accèdera ainsi quil le désirait si ardemment à lAcadémie (le meilleur moyen de senterrer vivant), les Hussards se laisseront rabattre le caquet et le panache par les conséquences mortifères de leur éthylisme, de leur inconscience au volant ou de lâge
Jamais Chardonne ne sera Prix Nobel, ni Morand une fabrique à best-sellers. Et comme tout texte de ce genre, lanalyse cède bientôt le pas au catalogue de citations ou dépisodes vécus
«Y a-t-il un deuxième acte dans la vie dun écrivain ?». Espérons que la réponse est affirmative. Quelle vaut même pour nimporte quel homme, et en dernière limite pour les critiques !
Frédéric Saenen ( Mis en ligne le 02/03/2010 ) Imprimer
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