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Bande dessinée |
| Patrick Cothias Griffo La Pension du Docteur Eon Le Lombard - Signé 2008 / 20 € - 131 ffr. / 144 pages ISBN : 978-2803623921 FORMAT : 24x31,5 cm Imprimer
Greenwood manor
sympathique asile de fous perché sur une colline (depuis les Beatles, les fous vivent toujours sur des collines, cest une règle), et perdu au fin fond des Highlands. Et cest là que Gabrielle Lange, belle reporter en quête de sujets « forts » et de sensations nouvelles, vient planter sa plume. Une expérience fascinante ? Accompagnée de son preneur de son (et amant ponctuel) Mathieu White, là voilà qui débarque dans ce château où les fous ont, semble-t-il, pris le pouvoir. Du reste, cest un asile huppé, fréquenté par le gotha : actrice au bord de la crise de nerf, écrivain en panne, politicien déchu
Tout cela gouverné par un psychiatre charismatique et vaguement inquiétant, le docteur Eon. Rien de bien étrange dans cet établissement ? Cest à voir : la réalité y semble parfois un peu gauchie : un nabot monstrueux et immatériel apparaît de-ci de là, dans le sillage de la belle Gabrielle, des plantes étranges et démesurées poussent dans les caves du château, et jusque dans les radiateurs, chacun semble jouir dun pouvoir original qui correspond à sa monomanie
Lenvers du monde en somme, à moins que la folie ne soit quune autre manière dagir sur la réalité, plus efficace ?
Réédition en une intégrale bienvenue de 2 albums publiées en 1998 et 1999, cette Pension du Docteur Eon permet déjà de retrouver deux grands allumés. Cothias, scénariste inspiré passé des samouraïs (Le Vent des dieux) à la SF allumée (Les Eaux de Mortelune) ou à lhistoire romanesque (Les Sept Vies de lépervier), une uvre prolixe mêlant réalisme et imagination, un style qui ne recule devant aucune fantaisie, très onirique, inclassable. Quant au dessinateur Griffo, les amateurs de polar dépoque connaissent bien son Giacommo C, tandis que les fans de fantastique gothique se tourneront vers Monsieur Noir. Bref, deux auteurs dont les univers, souvent proches ont fini par se rencontre dans une intrigue mémorable, hommage aux Freaks de Tod Browning, et qui mène le lecteur dans lantre de la folie, à se demander à quelle réalité il doit se fier.
Lintrigue va crescendo et quasiment à chaque page, Cothias sème des petits cailloux pour intriguer son lecteur et le faire glisser dune réalité à lautre : cest là le plaisir de cet album qui manipule le lecteur autant que les personnages, dans une mise en scène efficace, mais sans doute un peu classique, par un Griffo que lon a vu plus inspiré dans la démesure. La fin, très jodorowskienne, confirme un album résolument tourné vers un fantastique intimiste, philosophique, adulte : une belle variation sur le thème de la folie et des diverses réalités.
Gilles Ferragu ( Mis en ligne le 31/03/2008 ) Imprimer | | |
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