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| Bande dessinée -> Autre |
| Olivier Schrauwen Ruppert & Mulot Portrait d’un buveur
Dupuis 2019 / 28.95 € - 189.62 ffr. / 176 pages
ISBN : 9791034737178
FORMAT : 22,3x27,8 cm
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Après Bastien Vivès, c'est un nouveau dessinateur que Ruppert & Mulot accompagnent dans la collection Aire Libre. Comme eux, Olivier Schrauwen s'est d'abord fait connaître chez des éditeurs alternatifs, où il a notamment publié une formidable biographie fantasmée de son grand-père Arsène Schrauwen. S'adaptant à son univers ironique et référencé comme ils l'avaient fait pour le monde pop de Vivès, Ruppert & Mulot concoctent un récit sur-mesure où les surprises foisonnent, visite moderne de la peinture flamande et voyage picaresque aux côtés d'un inconnu.
On croit plonger dans l'univers de Bruegel, qui montrerait la vie quotidienne d'une petite bourgade, puis on bascule dans une marine de Van Eyck avant de tomber dans un enfer macabre de Bosch - sans oublier le détour par le cliché oriental. C'est un manteau de pièces qui nous dépeignent une époque inconnue, un lieu qu'on ne peut qu'imaginer, un récit fait d'ellipses et de sauts brutaux dont le seul point commun est le personnage principal, Guy.
Guy boit, mais pas seulement. Il s'engage comme charpentier, fait le pirate si c'est nécessaire, s'en prend à qui l'insulte ou à celui qui passe. C'est un homme jovial et a priori sympathique, mais que ses brusques accès de violence rendent vite inquiétant à nos yeux. Tout est possible, et souvent le pire, chez un homme qui ne semble penser jamais qu'à court terme. Il est capable d'envoyer ses camarades à la mort en cachant un collier qu'il échangera plus tard et sans remords contre une rasade d'absinthe. Ses actes sont toujours gratuits, et cela d'autant plus que le personnage nous est entièrement dépeint de l'extérieur. Le commentaire est dès lors fourni par ses victimes mortes, lecteurs invités et passifs qui ne peuvent que s'horrifier sans prétendre à comprendre.
D'ailleurs, le visage de Guy est souvent vide, comme dans les livres dessinés par Ruppert & Mulot, mais comme aussi le sentiment dominant dans bon nombre de livres d'Olivier Schrauwen ; ce point commun les rapproche, les fait se méfier de l'expressivité classique et lui préférer le corps et la parole, comme deux vérités sous-estimées sur les gens.
Cette vie mystérieuse se traduit dans le récit, qui semble lui-même enivré et mélange de plus en plus rêve et réalité, et dans le dessin montré en train de se faire : ici, Schrauwen obtient le rendu d'une planche originale, avec quelques tests de plume dans la marge. Ailleurs il nous laisse le sentiment que la vignette est inachevée. Il n'y a pas de logique dans la distribution des couleurs ou non, laissant au lecteur la marque d'une forte matérialité ocre. C'est la pâte des souvenirs, des rêves et des parfums. L'aventure est bien là, mais embarquée dans une conscience brumeuse où les dialogues et les dessins ne sonnent juste que parce qu'ils sont fantasmés à l'aide d'un stupéfiant.
Ce Portrait d'un buveur est un petit bijou, absinthe plus que cognac, dont on reprendrait volontiers une lampée.
Clément Lemoine
( Mis en ligne le 14/02/2019 )
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