|
Bande dessinée -> Manga |
 | |
Le récupérateur de cadavres | | | Kyôko Okazaki River's edge Casterman - Sakka 2007 / 11,95 € - 78.27 ffr. / 233 pages ISBN : 9782203006195 FORMAT : 15x21 cm Imprimer
Haruna est lasse de tout : de son petit ami, violent et passablement idiot, des brimades que subit Yamada, parce que gay, de la zone dans laquelle elle vit. Jusquau jour où Yamada lui montre son trésor : un cadavre dissimulé sur les berges du fleuve. Kozué la boulimique est aussi au courant de ce secret. Face aux risques de découverte du mort anonyme par les crétins du lycée, ils décident de lenterrer. Le macchabée, véritable catalyseur de sentiments, va ainsi sceller une amitié étrange
Souvent écoeurant, toujours fascinant, ce manga qui a lâpreté du quotidien nous dresse le portrait décomplexé dadolescents à la dérive. Sur fond de zone industrielle crasseuse qui vous met directement dans lambiance, les personnages connaissent la douloureuse expérience dêtre tout simplement en vie, sensation étrange de déréalisation qui donne lamère impression de ne pas être à sa place. Désoeuvré, le trio traverse avec passivité un âge où lon se cherche et où lamour apparaît comme très confus et par-delà la différence de sexe, dâge ou de condition. Il se résume dailleurs souvent à la fornication pure et dure, et Haruna décrit sa première fois en ces termes peu glorieux : « Cest moins important que je limaginais, cest plus space que ce que je pensais [
], cest pas bien difficile déprouver une émotion pour son partenaire, laxe sexuel qui na pas pour but la procréation est plein de mystères et de contradictions ».
Cest par cette écriture au langage très fleuri, à la fois drôle et crue, que lauteur suggère en douceur des sentiments peu avouables. Incapable damour, Haruna présente ainsi un émoussement affectif glaçant. Cette anesthésie des affects se lève progressivement au contact de ses deux comparses, malgré des relations qui restent somme toute excessivement superficielles. Outre la difficulté de communication avec autrui, lingratitude physique, le mal-être moral et lincertitude béate sont le lot de ces êtres de papier paumés. Électrons libres et froids, ces jeunes gens évoluent dans un univers parfaitement maîtrisé, étoffé par la présence de nombreux figurants. La construction cinématographique de luvre accentue dailleurs lironie du sort dont sont victimes les protagonistes.
Sans jamais sombrer totalement dans le sordide, Okazaki fait de la violence la toile de fond de son histoire. Quelle soit sexuelle (il est énormément question dadolescentes engrossées par des morveux acnéiques), physique ou morale, elle marque durablement ces tendres esprits de ses stigmates purulents. Jusquà dégénérer sérieusement, offrant une scène particulièrement jubilatoire. Après Pink et Helter-skelter, Okazaki réalise de nouveau avec Rivers edge une satire sociale grinçante et terriblement caustique.
Océane Brunet ( Mis en ligne le 13/11/2007 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:Pink de Kyôko Okazaki Helter Skelter de Kyôko Okazaki | | |
|
|
|
|