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Bande dessinée  ->  Réaliste  
 

La cité des femmes
Anthony Pastor   Las Rosas
Actes Sud - l'An 2 2010 /  20 € - 131 ffr. / 320 pages
ISBN : 978-2-7427-8720-3
FORMAT : 16,5x24 cm
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Étonnant Anthony Pastor qui, après deux livres inclassables aux atours mystérieux et piquants, revient avec ce récit fleuve aux multiples personnages, plongé dans un cadre à la sauce mexicaine et aux inspirations cinématographiques. C’est à un faux huis clos que nous sommes conviés, une tragédie greco-moderne, un mélo sec et violent. Le sous-titre du livre évoque un « western tortilla à l’eau de rose ». C’est presque exact si ce n’est que les roses ont ici gardé leurs épines donnant à ces événements dramatiques un impact prolongé. Et si la couverture oscille entre le kitsch désuet d’une vieille affiche de série B et de celle d’un roman de gare, le contenu est d’une plus grande crudité.

L’histoire prend place dans une zone désertique que l’on suppose proche de la frontière mexicaine. Le shérif du coin accompagne une jeune femme un peu paumée, Rosa, dans ce qu’il pense être pour elle un idéal refuge : Las Rosas. C’est une station service au bord de l’autoroute, là où les camions ne s’arrêtent que pour faire le plein et encore. Le lieu est un no man’s land, littéralement : no man. Seules les femmes ont droit de cité. C’est Marisol qui gère ce petit monde. Elle est une dure à cuir et mène de main de maîtresse ces petites personnes, atterries là par hasard, ou de passage prolongé. L’arrivée de Rosa coïncide avec le retour annoncé du fils de Marisol, Angel. C’est autour de ce couple pas encore formé que le récit s’enroule et se déroule, passant d’un personnage à un autre, construisant des relations complexes, posant méticuleusement une pièce du puzzle après l’autre.

Ce livre a des qualités évidentes. L’originalité d’abord, du récit comme du traitement. Pastor nous propose une histoire à cent lieues de ce qu’on a l’habitude de lire. Un livre où les femmes ont le premier et beau rôle – ce qui n’est pas si courant – et où l’on prend le temps (plus de 300 planches…) d’élaborer une intrigue précise et carrée, sans se perdre dans les méandres de l’improvisation hasardeuse. Si dans ses deux précédents ouvrages, Pastor construisait ses histoires à partir d’un inébranlable canevas (deux grandes cases par page, légendées mais sans bulles), il revient ici à un découpage plus traditionnel. Et si son dessin s’en trouve changé, au point de fausser la première impression du lecteur, il y a toujours, dans chacune de ces cases une saisissante maîtrise graphique où le réalisme pur et brutal claque derrière des lignes a priori flottantes et des ombres grossières. Emporté par cette narration fluide et inventive, le lecteur est harponné dès les premières planches. Le côté fleuve du récit fait écho aux soaps que regardent les personnages à la télévision, et comme dans ces séries, les drames atroces et autres rebondissements grotesques succèdent aux sentiments niaiseux. Sauf que la réalité de Las Rosas – cette réalité brutale amenée par le dessin virtuose et des dialogues percutants – fait que l’ensemble échappe au simple récit d’amours compliquées.

Si les femmes ont le premier rôle ici, les figures masculines n’en sont pas moins saisissantes. Elles sont toutes marquées par un caractère angélique, perverti ou non, déchu souvent. Il y a d’abord le shérif et ses bonnes œuvres qui s’arrête sur le bas-côté de la route pour prier la Vierge et se charge de ramener les brebis égarées comme Rosa. Il y a Pedro Cuervo psychopathe inquiétant au corps tatoué de figures religieuses et priant tous ses saints sans pour autant en finir de dégager un on-ne-sait-quoi de dérangeant. Enfin, Angel, le bel Apollon qui se fait attendre et retarde son entrée. Lui sera le plus pur, le plus bouleversant, et ce même si la vie ne lui a pas fait de cadeau.

Ces planches sentent le sable et le soleil, l’essence et la pierre blanche. C’est un livre marquant, qui donne à ses personnages toute la place pour exister et toucher son lecteur. C’est un livre d’une Amérique rêvée, entre Paris, Texas et Bagdad Café, une Amérique paumée, sans horizon, sans avenir. C’est un livre qui ne choisit pas la facilité (intrigues entremêlées, dessin qui ne cherche pas à séduire, longueur du récit…), préférant foncer tête baissée dans son intrigue, faisant de la grande et belle bande dessinée, fluide, complète et dense, provocante et passionnante.


Alexis Laballery
( Mis en ligne le 06/04/2010 )
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