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Bande dessinée -> Réaliste |
| Baru Quéquette blues Casterman - Classiques 2005 / 22.50 € - 147.38 ffr. / 152 pages ISBN : 2-203-39706-3 FORMAT : 22 x 29,5 cm Imprimer
Après Tardi, Forest ou Comès, cest Baru qui rejoint la collection « Classiques » de Casterman, rééditions sobres mais impeccables douvrages phares des trente dernières années, parfois devenus introuvables comme cette trilogie de Baru débutée en 1984. Précisons que ce nest pourtant pas la première fois que Quéquette blues connaît les honneurs dune intégrale puisque Albin Michel avait déjà édité en 1991 un opus aujourdhui épuisé et regroupant les trois albums originaux sous le titre moins rigolard de Roulez jeunesse !. Cette présente édition comporte une postface de Baru : pour loccasion, lauteur revient sur les lieux de laction, Villerupt dans la Meurthe-et-Moselle, et commente ce pèlerinage à laide de notes et daquarelles originales.
Il y a vingt ans, Quéquette blues marquait donc les débuts de Baru dans le monde de la bande dessinée, et déjà les thèmes de prédilection de lauteur étaient présents : sur fond de rocknroll, une jeunesse banlieusarde un peu paumée, entre chômage et travail à lusine, à la recherche de distraction et en proie aux mauvais coups
Le premier volet de cette série avait été récompensé à Angoulême par le prix du « meilleur album espoir ». Espoir confirmé par la suite, puisque Baru a depuis enchaîné les albums marquants jusquau dernier en date, LEnragé (Dupuis, 2004), petite bombe de lannée passée.
Le récit de Quéquette blues commence le dernier jour de 1965 ; le passage symbolique dune année à lautre ne va pas changer grand-chose à la vie des principaux protagonistes malgré les attentes et les espoirs que chacun peut placer à laube de la nouvelle année. Il y a cette petite bande de copains, dont la moitié travaille à lusine. Hervé Baruléa (Baru lui-même) y échappera sans doute parce quil a continué ses études, lui. Pour les amis dHervé, ce réveillon va être loccasion dun pari : le jeune homme doit perdre son pucelage dans les trois jours ! Cest un long et festif week-end qui sannonce alors : entre troquets et bals populos, les errances de la petite troupe sont émaillées de rencontres pittoresques et de scènes qui oscillent entre le pathétique et lhumour potache. Tendres losers, filles (trop) faciles, idiot du village et rocker du dimanche : tout un petit monde mis en scène avec beaucoup dhumanité est ici représenté, emporté dans une folle ronde graphique et narrative.
Avec le temps, on aurait pu craindre un certain affadissement, un petit « coup de vieux », qui aurait fait de la lecture de Quéquette blues un simple moment de nostalgie. Cest quil sen est passé des choses en vingt ans, et la bande dessinée a connu de nombreuses évolutions, dont lune des plus évidentes est ce goût encore récent et prononcé pour lautobiographie : on se raconte sous toutes les formes, on met sa vie en cases, mais ça nest plus de la bande dessinée, cest du « roman graphique », voyez-vous. Que cette dénomination pompeuse et qui ne se rattache finalement à rien de cohérent puisse prendre un nouveau coup dans laile grâce à des albums comme Quéquette blues : la bande dessinée dauteur na pas émergé il y a dix ans ! Et des albums comme celui-là le prouvent amplement. Car le temps na eu finalement que peu de prises sur cette oeuvre.
Lhistoire na rien perdu de sa force et le trait de Baru, encore quun peu tâtonnant parfois, reste toujours aussi dynamique et expressif. Mais surtout, on saisit combien ce récit reste toujours aussi actuel, ancré dans une réalité sociale qui na pas réellement évolué depuis. Sans une once de démagogie ou de discours déguisé, juste en quelques scènes finement choisies et racontées avec un habile mélange de truculence, dintime et de tendresse, Baru peint un tableau dune émouvante sincérité. Celui dune banlieue peu riante aux distractions trop rares, où tout le monde se connaît sans forcément se parler et où lusine, cathédrale de tuyaux crachant dépaisses fumées grises surplombe la ville, accueillant quotidiennement dans son ventre la centaine douvriers pèlerins. On ne sait si Baru a échappé à lusine parce quil a continué ses études, on se réjouit juste de savoir que cela lui a permis, des années plus tard, de raconter des histoires avec autant de talent.
Alexis Laballery ( Mis en ligne le 30/04/2005 ) Imprimer
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