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Bande dessinée -> Fantastique |
| Fabien Vehlmann Matthieu Bonhomme Le Marquis d'Anaon - Contes et légendes Dargaud 2005 / 39 € - 255.45 ffr. / 162 pages ISBN : 220505841X FORMAT : 25 x 33 cm Imprimer
Dans un XVIIIe siècle conquis par les Lumières, la Raison et les salons parisiens, on pourrait avoir limpression que lirrationnel, le surnaturel, la magie ont déserté la France, que la population, en passe de sortir de lobscurantisme, ne saurait succomber aux fantômes, aux légendes et autres loups-garous
impression heureusement fausse (pour les amateurs de fantastique et dhistoire). Sillonnant les campagnes françaises à la recherche de faits bizarres, de crimes étranges, dobjets maudits, le marquis dAnaon (« le marquis des âmes en peine », en patois breton) nous entraîne dans un XVIIIe siècle bien éloigné des représentations brillantes de Versailles, un XVIIIe siècle des humbles où le mal et la magie rôdent, où lon croit à la sorcellerie et aux monstres. Que ce soit dans une île bretonne battue par les vents, dans un château peut-être hanté, à bord dun vaisseau fantôme ou dans un village frappé dune malédiction, Jean-Baptiste Poulain, ci-devant marquis dAnaon, doit dénouer les fils des intrigues et des passions pour trouver, derrière le surnaturel, léternelle méchanceté humaine, trop humaine, la raison finissant toujours par triompher de la superstition.
Le marquis dAnaon, cest donc le surnom inattendu de Jean-Baptiste Poulain, un jeune médecin en rupture de ban, un disciple de Paracelse perdu dans le XVIIIe siècle, un voyageur en quête de vérités autres que celles de lacadémie de médecine. Lidée est originale, à mi-chemin entre une version BD du Chien des Baskerville et un récit à lambiance aussi prenante que Sleepy hollow. En trois albums, les lecteurs on pu voir sa personnalité se former, la timidité céder la place à lassurance du savant et de lhomme de terrain, la peur seffacer devant la certitude. Le héros est plaisant, honnête homme perdu dans des campagnes encore sensibles au surnaturel. A cet égard, les scénarios de Fabien Vehlmann, qui nest pas un nouveau venu dans la BD de qualité (I.A.N, Green manor
) sont assez réussis : Poulain nest pas un héros invincible, mais plutôt un ethnologue avant la lettre, que sa curiosité pour létrange met dans des situations dangereuses, et qui sen sort à laide de ses petites cellules grises. Quant au graphisme de Matthieu Bonhomme, sec, nerveux, à la fois très sobre, comme épuré (vertu du noir et blanc) et riche de détail confère à ces histoires un ton particulier, comme une patiente progression vers lhorreur et le bizarre avant un dénouement
Cette intégrale est, en soi, un bel objet : présentation luxueuse en noir et blanc (ce qui souligne davantage encore le talent de M. Bonhomme et son art des ambiances : on se croirait dans une de ces séries italiennes à mi-chemin entre macabre et gothique, comme lexcellentissime Dylan Dog), fac-similé dun vrai-faux exemplaire de la Gazette de 1731 contant les exploits dudit marquis, avec, intercalés entre trois grands albums, de petits récits dune page ou deux, souvent dun style plus fantaisiste, plus amusant ou plus philosophique. La première histoire se situe sur lîle de Brac, une île bretonne soumise à lautorité dun aristocrate étrange surnommé « logre », une île où lon aperçoit par moment les fantômes denfants inconnus
Venu quérir un poste de précepteur, Jean-Baptiste va bientôt se trouver, malgré lui, entraîné dans la folie de cette petite communauté isolée et percluse de haines et dangoisses surnaturelles. Une deuxième histoire, La vierge noire, rappellerait plutôt la légende de la bête du Gévaudan : dans un village enneigé, une série de meurtres horribles frappent les jeunes filles du coin, quasiment dépecées. Les tziganes, installés dans le coin, sont forcément suspects, accusés de sorcellerie, et seul le prêtre local les soutient. Mais la bête qui tue est-elle si animale ? Et pourquoi pas un serial killer à la sauce historique ? Quant au troisième récit, La Providence, il sagit dun huis clos assez éprouvant sur un navire de commerce qui cingle vers lAfrique et qui a le malheur de croiser la route dun vaisseau fantôme, manifestement frappé par une malédiction. On perd alors la trace du marquis
reviendra-t-il enfin de lau-delà et du paradis des (bonnes) séries BD
à suivre ?
Gilles Ferragu ( Mis en ligne le 21/03/2006 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:Green Manor (tome 3) de Denis Bodart , Fabien Vehlmann | | |
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