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Bande dessinée  ->  Fantastique  
 

Fantastique spaghetti
Samuel Hiti   La Fin des Temps - Livre Premier
Les Humanoïdes associés 2007 /  14.90 € - 97.6 ffr. / 120 pages
ISBN : 978-2-7316-1974-4
FORMAT : 20,5x28,5 cm
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Nous verrons bien ce que Samuel Hiti aura à nous raconter dans les huit prochains tomes d’ores et déjà prévus de cette nouvelle série, et tant pis s’il s’égare ou déçoit : ce « Livre premier » est un incroyable album, une sorte de long comics rustique ne ressemblant à rien de ce qu’on a déjà pu lire, un ouvrage autre piochant l’inspiration dans différents registres populaires (comics, western, fantastique) et installant une drôle de mythologie mâtinée de poésie cauchemardesque. L’ensemble se découvre consciencieusement, l’œil attentif aux moindres détails distillés ici et là par un auteur qui possède assurément une patte et parvient dès les premières planches à captiver son lecteur pour ne plus le lâcher à travers une longue aventure hallucinée.

Certes, le livre se doit d’être appréhendé de la bonne façon, il impose un rythme qu’il serait dommage de ne pas vouloir suivre ; on prendrait le risque de passer complètement à côté de la beauté hypnotique d’un travail parfaitement mené et d’une incontestable réussite narrative. Inutile d’aller trop vite donc, il faut au contraire s’attacher à rester dans les pas du héros Mario, chef de file de cette virée nocturne franchement déroutante mais fascinante.

L’histoire tient en quelques mots : un chasseur de démons est convoqué par quelques puissances étrangères pour chasser de la ville les ennemis qui rôdent. Le ghostbuster en question est un colosse à moustaches, Mario Roman, peu bavard, surarmé et portant littéralement Jésus dans son cœur. La mission devra se dérouler en une nuit, et en dehors de la ville. Ainsi, voilà Mario et ses fioles magiques arpentant les ruelles à la tombée du jour en quête de la tanière du démon. Les heures qui vont suivre, longues et mouvementées, verront d’abord le Hellboy à moustaches entraîner une horde de créatures démoniaques hors des remparts de la ville puis, une fois à l’extérieur, ce sera le temps de l’affrontement direct entre les forces en présence.

Si sur le papier le scénario est loin de bouleverser grand chose, toute la beauté de cet album vient de l’esthétique singulière mise en place par Samuel Hiti. Jeune auteur américain dont c’est ici le premier livre traduit en France, Hiti conduit son récit avec une belle maîtrise et une étonnante personnalité. C’est d’abord une ambiance forte et pesante qui couvre ces pages : la longue nuit se déroule sous une pleine lune blanche éclairant les ruelles étroites et biscornues de cette étrange ville où les maisons se cognent. Cette cité obscure est un personnage à elle seule avec ses murs défraîchis, ses contreforts inquiétants et ses totems silencieux veillant près des remparts. La peur y rôde, les adultes sont enfermés derrière leurs volets et seuls quelques enfants insouciants s’essaient encore à quelques jeux nocturnes. Dans ces rues désertes, l’imposante silhouette de Mario se promène lentement, suivie peu à peu par les démons sifflants et blanchâtres, fantômes informes qui volettent doucement à ras le sol. Mario devient une nouvelle incarnation du flûtiste d’Hamelin, conduisant d’un pas tranquille mais décidé les ennemis en dehors de la ville.

En étirant plus que de raison chaque séquence, en intensifiant le moindre détail, Hiti compose là une sorte de fantastique spaghetti, où chaque moment se décompose lentement, où le temps semble comme exagérément ralenti. Hiti s’attarde sur un perron de porte, sur une mouche gobée par un crapaud, sur le soleil qui se couche derrière les poteaux électriques. Le cinéma inspire l’auteur qui multiplie là les plans d’ambiance, et s’attache à retranscrire quelques travellings sinueux accompagnant la marche des démons. De même les onomatopées volontairement désuètes se multiplient, bande sonore faite de «stap» et de «sheumf», focalisation forcée sur des petits détails de l’action. Mais du septième art, Hiti n’en garde que l’idée, le souvenir, et son travail est loin d’être un story-board plat et ennuyeux. La bande dessinée se dévoile ici dans toute sa splendeur séquentielle ! Les mutations et autres transformations se prolongent sur la page, instaurant un rythme particulier, une cadence éprouvante et contrôlée. Quant au trait de Hiti, noir, lourd et épais, il semble comme un peu plus plonger l’action dans un cauchemar pénible, les pieds collés sur le sol fondu, empêchant de s’échapper. Le résultat est un album esthétiquement marquant, prenant délibérément le temps d’installer une action, une atmosphère, et faisant d’un trop classique scénario de comics vieillot une véritable parabole légendaire.

Et au petit matin, la nuit chaude et éprouvante vaincue, les idées se remettent doucement en place et une certitude s’installe : ce ballet pulp et pop dessiné sur fond d’apocalypse annoncée restera longtemps dans les mémoires.


Alexis Laballery
( Mis en ligne le 03/08/2007 )
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