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Bande dessinée -> Chroniques - Autobiographie |
| Benoît Perroud Grigridédé Actes Sud - l'An 2 2008 / 19.80 € - 129.69 ffr. / 140 pages ISBN : 978-2-7427-7794-5 FORMAT : 17x23,5 cm Imprimer
Trois amis : Joey, Quentin et Tonio. Dans leur petite ville montagnarde, ils enchaînent les tranches de vie et les désillusions. Et pour oublier lennui, se consolent dans lalcool et dans les boîtes de nuit. Jusquau jour où Tonio offre à Joey un porte-bonheur : un dé à coudre collé à un dé à jouer, qui lorsquil est posé à la verticale préserve du mauvais sort, mais libère les ondes néfastes une fois à lhorizontale. Il serait bon de croire que leur vie va changer, en mieux, mais quand le chat renverse le grigridédé, cest le signe que le malheur va frapper à leur porte.
Cest une jolie tranche de vie, parfois touchante et parfois désespérante. Ces trois hommes sont humains jusque dans leurs défauts. Buveurs, fêtards, dragueurs, sans conscience au volant de leurs voitures, ils ne sont même pas toujours sympathiques. Mais on leur pardonne au nom de leur vie morose. Le frère de Quentin est dans un institut spécialisé, anéanti par la drogue ; et Quentin lui-même ne parvient pas à trouver sa place dans la société, perdu entre sa vie familiale, sa formation de menuisier et ses rêves de liberté. Il passe son temps dans les bars et chez sa maîtresse, désertant lANPE, sa femme et sa fille. Joey au contraire, saccroche à ce quil a, mais cest un travail bien précaire et lamour nest pas au rendez-vous. Il se console en pariant sur lavenir, des symboles douteux quil enchaîne sans trop y croire. Tonio est sans doute celui qui sen sort le mieux, heureux dans son couple et jusque dans les soudures dart contemporain quil fabrique et entasse dans son garage.
Car cest le rêve qui semble sauver les hommes. Tonio soude, Quentin joue des morceaux improvisés à la guitare. Quand à Joey, sil na pas la fibre artistique, il regarde le monde à travers la lentille biaisée de la superstition : « si je réussis à envoyer mon mégot dans ce trou dégout, je trouverai lamour avant la fin du mois ».
Il semble que la distance, la réinterprétation, soient les seules solutions pour survivre dans le monde de Benoît Perroud. Pour Joey, bombardé héros en quelque sorte, lenjeu est dapprendre à vivre, de se saisir du concret sans se laisser porter par les autres et leurs propres ambitions. Une fois la frontière du réel franchie, il saura aller à la rencontre de son désir.
Hormis la trajectoire de Joey, il est dommage que lépilogue soit un peu diffus, lançant de nombreuses pistes à la fois, à limage des personnages qui se séparent ou se découvrent. On reste sur une impression un peu amère. Mais finalement, assez proche de celle de la vie même.
Cest aussi que Benoît Perroud utilise une narration très légère, un goût pour le plan serré, des pages réduites au minimum, un blanc envahissant jusquaux personnages. La respiration de lintime, en somme. La richesse de son travail comme illustrateur (en particulier pour la jeunesse) montre quil a dautres cordes, nettement plus colorées, à son arc. Mais la finesse maîtrisée de celle-ci mérite tout à fait dêtre soulignée.
Clément Lemoine ( Mis en ligne le 12/12/2008 ) Imprimer
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