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Bande dessinée -> Chroniques - Autobiographie |
| Peer Meter Isabel Kreitz Haarmann, le boucher de Hanovre Casterman - Ecritures 2011 / 14 € - 91.7 ffr. / 176 pages ISBN : 978-2-203-03882-0 FORMAT : 17x24 cm Imprimer
Après lEmpoisonneuse de Brême, voici le boucher de Hanovre. Dans lAllemagne des années 20, Fritz Haarman, petit escroc et indic pour la police, a assassiné une vingtaine de jeunes garçons, volé puis vendu leur vêtements, et, comble de lhorreur, aurait fait passer de la viande humaine pour de la viande de porc (hypothèse non prouvée mais que le scénariste prend pour fondée).
Peer Meter continue donc ses récits autour de grands tueurs en série allemands. À lheure des émissions de télévision qui reviennent en boucle sur les plus grandes affaires criminelles de ces trente dernières années, ces crimes plus lointains, sans images darchives ni interviews des témoins, restent dune terrifiante brutalité. Meter est un expert narrateur qui parvient dès le début à plonger son lecteur dans une ambiance, un univers, un contexte fort.
Recréé par Isabel Kreitz, le décor est ici la ville grise et pluvieuse de Hanovre. Les ruelles pavées, les sombres chambres mal éclairées, et la rivière que lon vient de mettre à sec découvrant quantité dossements humains. Cest aussi la République de Weimar et la misère qui va avec : marché noir, contrebande, police corrompue
une vie loin dêtre facile pour tous les habitants du quartier de la Rote Reihe. Le dessin de Kreitz, dun académisme qui sassume, est dune grande efficacité et convient parfaitement au récit, documenté et précis de Meter. La dessinatrice excelle dans le travail au crayon, notamment en ce qui concerne la mise en place des décors, et des éclairages. Le résultat est humide, monotone, terriblement déprimant. Cest dans cette mise en scène efficace que se love une inquiétante ambiance et des personnages tous un peu malsains derrière leur apparente bienséance. De lhorreur même Meter et Kreitz ne montrent rien ou presque : lavant et laprès suffisent à plomber lambiance.
Le but du récit nest pas de savoir qui est le criminel, ni sil est vraiment coupable : nous ne sommes pas dans une enquête policière, mais bien dans une reconstitution historique de ce qui a bien pu se passer dans ces tristes ruelles de Hanovre. Lintérêt dramatique, au-delà de la fascination immédiate pour le criminel, réside dans cette tension grandissante entre lévidente culpabilité de lun et limmobilisme des autres : jusquà quand les autorités qui ont le criminel sous le nez vont continuer de faire la sourde oreille à tous les avertissements qui leur sont adressés. Alors que les disparitions se multiplient et que tout converge vers le louche Haarmann, ce dernier continue ses sales besognes, tranquillement, à peine embêté par quelques voisins indiscrets. De Fritz Haarmann, on ne saura finalement pas grand chose. Fou, obsessionnel, malade
il restera une silhouette dérangeante, seulement caractérisée par ses actes.
Enfin, une fois la bande dessinée bouclée, Meter présente les pièces à conviction : photo pour mettre un visage sur un dessin, liste des victimes (écoeurante), derniers témoignages et « anecdotes » autour de Haarmann. Le tout comme pour valider encore un peu plus toute lhorreur de ce qui vient dêtre lu. Un récit qui fait froid dans le dos, mené pour autant sans voyeurisme médiocre ni pornographie vulgaire.
Alexis Laballery ( Mis en ligne le 03/05/2011 ) Imprimer
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