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Bande dessinée -> Chroniques - Autobiographie |
| Joyce Farmer Vers la sortie Actes Sud - l'An 2 2011 / 23.80 € - 155.89 ffr. / 24 pages ISBN : 9782742797592 FORMAT : 18,5x25,5 cm
Lédition originale a paru en 2010 aux éditions Fantagraphics sous le titre Special Exits. Imprimer
La bande dessinée sest beaucoup attardée dans la description de la jeunesse, de la force, de linvincibilité. Et en comparaison, elle sest finalement peu souciée de la vieillesse et de la fin de la vie. Vers la sortie est un de ces livres qui rétablissent léquilibre. Joyce Farmer a accompagné pas à pas son père et sa belle-mère dans leurs dernières années, et elle retrace leur chemin avec une précision extrême.
On suit donc ici les différents épisodes de la déchéance dernière : la décrépitude physique, la folie, les soins, la lutte contre les professionnels de la santé plus que contre la maladie, les soins palliatifs, et finalement la mort. Poussant le détail jusquà des souvenirs inutiles de vies bien remplies. Les moindres anecdotes viennent baliser un chemin sinueux : la fin est claire dès le départ, comme pour toute existence, mais reste lenjeu du comment. Cest là que le livre parvient à nous émouvoir. Si Rachel, atteinte de la maladie dAlzheimer, perd peu à peu conscience pour sombrer dans un vide douloureux, Lars, sain desprit jusquau bout, se battra pour conserver à sa fin la décence nécessaire.
De décence et dhonneur, il est finalement souvent question ici. Car le vieux couple sefforce envers et contre tout de sauver les apparences, quitte à mentir, à cacher les mauvaises nouvelles. Aussi la plupart des personnages ont-ils ce même sourire triste, mélange de gêne et de tendresse, qui remplace la tristesse quand celle-ci est inutile.
Le dessin de Joyce Farmer est méticuleux, mais décalé. Des perspectives déformées, des visages figés nous éloignent dune restitution trop photographique. On a limpression ici que le ressort se casse, que le sourire se brise. Comme la vie, toujours présente, mais toujours imparfaite. La maison de Lars et Rachel est du même ordre : un bric-à-brac, sans plus un seul espace disponible, et avec à chaque mètre une toile daraignée ou une fenêtre cassée pour nous montrer la fragilité des choses.
Le lecteur de Vers la sortie est ému à deux degrés. Dabord par ce couple, quil voit partir, et quil accompagne à sa façon jusquà la dernière porte, mais aussi par ce quil devine de Joyce Farmer elle-même, dans la confession de ce récit autobiographique. Si elle a changé les prénoms, on ne doute pas de la large portion de vécu au fil des descriptions.
Ce livre, nous dit léditeur, lui a pris treize ans. Joyce Farmer navait pas beaucoup fait parler delle depuis les années 1970, où elle avait participé à la branche féministe du mouvement underground, en particulier en cofondant la revue Tits & Clits avec Lyn Chevely. On retrouve un peu de cette époque dans la forme de Vers la sortie, qui évoque entre autres le travail de Justin Green. Encore une façon de se dire que le temps passe.
Il y a dans ce livre quelque chose dune vanité, une conscience du chemin que nous aurons tous à parcourir. Dans la dernière planche, la survivante récupère la chatte de ses parents, marque dun apaisement final après de nombreuses pages de sombres douleurs. Un chat sur les genoux, et en attendant
Clément Lemoine ( Mis en ligne le 17/07/2011 ) Imprimer | | |
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