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Visite guidée
 Seth   La Confrérie des Cartoonists du Grand Nord
Delcourt - Outsider 2012 /  22.95 € - 150.32 ffr. / 136 pages
ISBN : 978-2-7560-2758-6
FORMAT : 15,4x20,9 cm
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Comme toujours chez Seth, c’est d’abord un bel objet. Pas étonnant que l’homme soit régulièrement appelé pour habiller de beaux livres comme l’intégrale Peanuts qui embellit de nombreuses étagères. Avec ce nouvel ouvrage, on quitte le géant format de Georges Sprott pour revenir à une taille plus modeste, avec toujours ce même effet de livre-carnet à épaisse reliure et écritures brillantes en relief. C’est donc déjà un ravissant objet, et une invitation au voyage instantanément attractive.

Cette Confrérie des Cartoonists du Grand Nord est une sorte de club, une association qui regroupe depuis plusieurs années les dessinateurs canadiens. Ils s’y retrouvent pour travailler, mais aussi échanger ou boire un verre. Seth nous invite à découvrir les lieux, un vaste immeuble cossu, quelque part sur Milverton Street. C’est surtout une visite d’un lieu maintenant quasiment abandonné. Les heures fastes de la Confrérie sont maintenant bien passées, et c’est plus des fantômes que Seth réveille que de vivants artistes. Cette visite guidée du bâtiment est donc prétexte à une petite histoire de la bande dessinée canadienne, avec ses petits et grands maîtres, ses anecdotes, ses héros et séries cultes. On retrouve ainsi les exploits de l’eskimo de l’espace Kao-Kuk, la mystérieuse série Canada Jack, ou encore les aventures de Jocko le petit Écossais.
Et bien sûr, rien n’est vrai ! Tel un nouveau Borges, Seth invente du début à la fin des lieux, des personnages et des situations fantaisistes. Il crée ainsi sa propre histoire rêvée, son panthéon de figures sacrées, avec ses légendes et ses mémoires, et sa période dorée. Il s’imagine une bibliothèque idéale, infinie, remplie de classiques et d’opuscules oubliés. Et il dessine lui-même des « extraits » de ces chefs-d’œuvre inconnus, ce qui d’une part finit de convaincre le lecteur sceptique que tout ceci est faux, mais apporte de plus un humour malicieux lorsque Seth écrit au-dessus de certains strips censés être de la main de quelqu’un d’autre : « (…) ces dessins ne se livraient pas en une seule fois. Il fallait s’y arrêter pour en saisir toute la profondeur. » Ou encore en parlant d’un certain Doug Wright, « ce dessin représente pour moi la quintessence de son savoir-faire. Il réussit à capturer à la perfection tous les détails et l’ambiance de ce paysage urbain. »

Avec Wimbledon Green, auquel ce dernier livre ressemble beaucoup, dans la forme comme dans le fond (les deux sont issus de carnets), Seth inventait la vie d’un collectionneur de comics. C’était là aussi prétexte à un aperçu de titres oubliés et de séries fantastiques. Dans La Vie est belle malgré tout, le dessinateur suivait les traces d’un illustrateur, lui aussi fictif, un certain Kalo. Il y avait là aussi, ce goût du dessin comme on n’en fait plus, de cet esprit presque précurseur de ces premiers artistes de l’encre.

Une fois de plus, la nostalgie est le moteur de la narration. Même si l’homme se défend de prôner le « c’était mieux avant », il ne peut s’empêcher de se sentir confortablement à l’aise dans ce passé de papier jauni, de bandes dessinées désuètes mais au charme implacable. Seth ressasse les mêmes thèmes et c’est une mélancolie constante qui enveloppe ces pages. L’homme semble perpétuellement vivre la fin des temps, lorsque tout se met à décliner, inexorablement et que lui ne vit pas là où il aurait aimé être. Certains rêvent de voyages à l’autre bout du monde, lui veut simplement rester là où il est, mais cinquante ans plus tôt.

Au final, et comme dans les livres déjà cités, il y a dans ce dernier petit bijou tout l'attachement de Seth pour son métier et celui pratiqué par ses pairs et ses inspirateurs. L’homme est féru de comics, de dessins, il en fait une déclaration d’amour passionné, tendre et fantaisiste. Son propre dessin reste unique. Il y a toujours cette élégance naturelle, ces belles lignes encrées qui construisent l’espace, cette bonhomie classe. C’est toujours très fin, très gracieux. Seth ne fait pas d’esbroufe, pas d’effets de manches ; il raconte avec minutie son récit, une petite case après l’autre, avec la même douce monotonie narrative. C’est un livre d’une grande prestance malgré sa discrétion classique, un album qui se déguste avec précaution (one ne veut pas aller trop vite) et un constant ravissement. Et l’on trouve dans ces pages la métaphore qui nous manquait : dans un environnement glacial, isolé, la Confrérie a construit un immense igloo abritant ses trésors, ses archives ; les livres de Seth sont comme ce lieu perdu dans la neige: des refuges.


Alexis Laballery
( Mis en ligne le 18/11/2012 )
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