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Bande dessinée  ->  Chroniques - Autobiographie  
 

Zinnesque…
Joe Sacco   Chris Hedges   Jours de destruction, jours de révolte
Futuropolis 2012 /  27 € - 176.85 ffr. / 320 pages
ISBN : 978-2-7548-0876-7
FORMAT : 19,5x26,5 cm

Traduit de l’américain par Sidonie Van Der Vries et Stéphane Dacheville
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L’envers du rêve américain : on quitte New York, Hollywood, la route 66, la Silicon Valley, etc. Chris Hedges, journaliste récompensé d’un prix Pulitzer, s’associe ici avec l’auteur-dessinateur Joe Sacco pour un road movie dans une Amérique déglinguée, bien loin de faire rêver, une Amérique dont les deux compères examinent les péchés (la question indienne) et les défaillances. Une Amérique des marges et des marginaux, bien loin de l’hyperpuissance. Direction Pine Ridge (Dakota), première étape d’un voyage bien plus sinistre dans un pays sinistré. Pine Ridge est une réserve indienne, un bout du monde dont la frontière est constitué de débits de boisson (interdits sur le territoire indien), et dont la population, lentement abrutie, alcoolisée et gangrenée par la violence, résume plusieurs siècles d’ethnocide. De l’histoire des contacts entre colons et amérindiens, au récit d’un ancien dealer en cours de reconversion, cette première étape annonce les autres. Camden, une ville gangrenée par la pauvreté et la violence, frappée durement par la crise, abandonnée de tous et où les aides de l’Etat s’égarent. Welsh, en Virginie, sa mine de charbon à ciel ouvert désaffectée, son chômage endémique, sa pollution et son cortège de maladies professionnelles : la mécanique de l’exploitation de la nature et des populations poussée jusqu’à son terme. Avec, en conclusion, les paradis artificiels et le crime… le tout raconté par un vétéran de la 2nde guerre mondiale, écœuré.

La Floride suit : ici, la misère est ensoleillée, mais elle reste la misère, celle des saisonniers, et les auteurs vont même plus loin, parlent d’esclavage au profit de quelques firmes. Le souvenir de la plantation résiste encore, dans le Sud… Entre misère et pesticide, les fruits et légumes ont un goût amer, jusqu’à épuiser, et abrutir les populations. L’eldorado rêvé par les latinos demeure un eldorado à usage américain. Et, comme une conclusion à peine optimiste, le mouvement Occupy Wall Street, les 99%, un camp de toile, éphémère, au pied des buildings : un symbole du poids du big business, des « raisins de la colère » du XXIe siècle et d’une insurrection qui vient.

A lire cet ouvrage militant, on pense infailliblement à la figure de l’historien Howard Zinn, tant l’auteur de l’Histoire populaire des Etats-Unis (Agone) semble inspirer ce tableau terrible et rageur d’une Amérique qui ne fait pas rêver. Sacco et Hedges se retrouvent dans une dénonciation commune de l’envers, des marges du rêve américain. Et Sacco reprend une fois de plus le pinceau pour donner la parole au « forgotten people » qu’évoquait déjà Roosevelt en 1932. On est loin du road movie touristique et d’une Amérique joliment mythifiée : les Indiens sont devenus alcooliques et violents, les latinos sont les nouveaux esclaves de plantations modernes, les petites bourgades sont hantées par le chômage et la crise, les aides de l’Etat s’envolent vers les cimes du capitalisme bancaire. « Greed is good » disait le héros, cynique de Wall Street… Greed is god, même ! Alors chacun contribue à sa manière pour dénoncer : le ton sobre, mais sans concessions de Chris Hedges rencontre le pinceau de Joe Sacco, qui, de son côté retrouve son sens de l’interview et de la mise en image de récits de vie souvent terrifiants, entre misère, violence et déchéance. Certes, il s’agit là bien moins d’une bande dessinée que d’un reportage illustré… Mais les amateurs de Joe Sacco retrouveront avec plaisir le trait incisif, l’humilité dans l’approche de l’autre, et surtout l’engagement social. Voilà un album fort, dur et militant. Une lecture passionnante pour ceux que l’Amérique intrigue toujours.


Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 23/12/2012 )
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