L'actualité du livre Jeudi 28 mars 2024
  
 
     
Le Livre
Bande dessinée  ->  
Comics
Manga
Historique
Réaliste
Fantastique
Science-fiction
Policier - Thriller
Aventure
Humour
Adaptation
Jeunesse
Les grands classiques
Chroniques - Autobiographie
Revues, essais & documents
Entretiens
Illustrations, graphisme et dessins d’humour
Autre

Notre équipe
Littérature
Essais & documents
Philosophie
Histoire & Sciences sociales
Beaux arts / Beaux livres
Jeunesse
Art de vivre
Poches
Sciences, écologie & Médecine
Rayon gay & lesbien
Pour vous abonner au Bulletin de Parutions.com inscrivez votre E-mail
Rechercher un auteur
A B C D E F G H I
J K L M N O P Q R
S T U V W X Y Z
Bande dessinée  ->  Chroniques - Autobiographie  
 

African Kings ?
Jean-Philippe Stassen   I comb Jesus
Futuropolis 2015 /  22.50 € - 147.38 ffr. / 160 pages
ISBN : 978-2-7548-1175-0
FORMAT : 20x27,2 cm
Imprimer

Cela commence comme une discussion un peu alcoolisée dans un bar bruxellois… mais après, cap vers le Sud, le soleil - où la misère est dit-on, plus belle - et l’Afrique. Avec ces cinq reportages dessinés, précédemment publiés dans XXI et La Revue dessinée, Jean-Philippe Stassen nous entraîne dans une galerie de portraits, dans une collection de vies brinqueballées de part et d’autre du continent africain : des candidats à l’émigration qui, depuis le Maroc, rêvent de l’Europe, des enfants-soldats devenus politologues, des victimes du génocide rwandais mais également d’autres violences et d’autres guerres encore traumatisées, des communautés émigrées qui se regardent en chien de faïence, des artistes en quête de rupture et de vérité, ou de simples passants, en quête d’une cigarette, d’un peu d’attention. Alors, on s’assoit à côté de l’auteur, on le regarde dessiner et on écoute les histoires du continent… mais pas seulement. Car l’Afrique de Stassen est encore plus grande que l’originale, elle déborde le continent et gagne l’Espagne ou même Liège, Bruxelles et le quartier de Matonge. C’est une Afrique de la diaspora, de la mémoire et de lendemains qu’on essaie d’imaginer chanter.

La mise en scène s’apparente à une conversation sur le zinc, un propos de comptoir illustré de paysages naïfs, de scènes et de silhouettes, de parodies même, lorsque Stassen détourne Tintin pour expliquer les stéréotypes de la guerre en Afrique. Mais surtout, il s’agit, par le biais de rencontres et de conversations mises en images, d’entendre des récits de l’histoire récente du continent africain. A cet égard, chaque récit frappe par sa densité et l’empathie qu’il impose au lecteur. Tout d’abord les histoires des nombreux candidats à l’émigration, attirés à Tanger par la proximité de l’eldorado européen (ou supposé tel) et parfois inconscients des risques de cette aventure. Également, l’histoire des Sopecya – des survivants rwandais du génocide – et plus largement ce bref résumé du drame rwandais et de ses échos régionaux (et l’on défie quiconque de saisir la complexité des tensions, des factions des alliances évoquées dans «A propos des revenants», l’un des reportages les plus glaçants de l’album).

Autre claque, le récit d’Arnold, l’enfant soldat devenu étudiant, est de loin le plus éprouvant : raconté avec une sorte de bonhomie par l’intéressé, il s’avère éprouvant pour le lecteur occidental, confronté à la réalité d’une violence devenue la norme. De manière plus douce enfin, la découverte du Cap à travers les yeux de l’artiste Anton Kannemeyer (Bitterkomix), un auteur qui nous raconte une histoire de la «nation arc en ciel» (ou supposée telle) moins stéréotypée, moins irénique et plus révolutionnaire. Et dans le même récit, la promenade sur les trottoirs du Cap et de Johannesburg, les rencontres avec les communautés, les craintes des uns et des autres («que se passera-t-il après Mandela ?»), la survie de chacun et le racisme ordinaire en toile de fond.

La grande force de ces reportage africains, c’est de ne pas jouer sur le pathos, l’émotionnel, le convenu : Stassen propose une autre approche, simple, épurée, faussement naïve, à l’image de ses dessins. Il joue avec les couleurs, les visages, les silhouettes pour laisser deviner, au-delà de l’image, les arrière-plans, le contexte. Il écoute, il observe, il laisse les témoins raconter - on sent monter l’indignation à la manière d’un Joe Sacco, dont il se rapproche dans la manière de penser le reportage dessiné - et surtout, il fait œuvre de journalisme autant que de dessinateur.

Un bel album et un regard neuf, très original et très réussi sur le continent africain. Magistral.


Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 03/02/2015 )
Imprimer

A lire également sur parutions.com:
  • Déogratias
       de Jean-Philippe Stassen
  • Les Enfants
       de Jean-Philippe Stassen
  •  
    SOMMAIRE  /  ARCHIVES  /  PLAN DU SITE  /  NOUS ÉCRIRE  

     
      Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024
    Site réalisé en 2001 par Afiny
     
    livre dvd