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Bande dessinée -> Chroniques - Autobiographie |
| Jack Baxter Joshua Faudem Koren Shadmi Mike’s Place - Chronique d’un attentat Steinkis 2015 / 20 € - 131 ffr. / 192 pages ISBN : 9791090090729 FORMAT : 25,7x18,6 cm Imprimer
Mikes Place est dabord le nom dun bar de Tel-Aviv. Pub international, avec des groupes de musiques qui se succèdent dans un bel esprit festif. Le journaliste américain Jack Baxter décide en 2003 dy tourner un documentaire indépendant, pour montrer la face joyeuse dIsraël. Jusquau 30 avril, où le bar est la cible dun attentat suicide. Trois tués, cinquante blessés, dont Jack lui-même parmi les plus graves.
Le documentaire Blues by the beach verra le jour malgré tout, lannée suivante. Plus de dix ans après les faits, cest maintenant au tour de la bande dessinée de réutiliser les images dépoque pour raconter cette histoire tragique. Jack et le coréalisateur Joshua signent le scénario du livre, dessiné par Koren Shadmi, vivant à New York mais né en Israël.
Lattentat sépare le récit en deux parties distinctes : avant, nous suivons les cinéastes dans leur documentaire, interviewant les uns et les autres, discutant avec leurs proches. Après, nous les accompagnons dans les conséquences de lexplosion, le travail de deuil, la volonté de rouvrir le bar envers et contre tout. Leur intimité apparaît par moments, signe que la vie continue tant bien que mal.
Ces épisodes sentimentaux et quelques reconstitutions nous éloignent du pur travail journalistique, et tendent à rapprocher la bande dessinée dun docufiction, mais deux pages dépilogue garnies de photo permettent de préciser les faits. On y apprend notamment que Blues by the beach est projeté tous les ans à Mikes Place, en appel à se souvenir.
Au départ, pourtant, rien de tel. Au Mikes Place, la règle était la même que dans nimporte quel bar : « pas de politique et de religion ». Mais peut-on faire abstraction des débats de lactualité ? Un jour cest une serveuse qui met dehors le client hostile aux activistes internationaux, la semaine suivante cest un barman qui affirme que seuls les arabes ont besoin dêtre encouragés à la paix.
Ainsi, si la première partie du livre semble parfois un peu trop longue, elle a le grand intérêt de montrer la vie quotidienne à Tel-Aviv. On y voit non seulement la guerre sous-jacente dans lesprit des Israéliens, mais aussi les projets, les joies. De la commémoration à la fête, il ny a quun pas : le livre reprend la mission première du documentaire, faire un portrait optimiste dune population qui ne se contente pas de vivre dans le conflit. À la télévision, football et défilés de mode alternent avec les envoyés spéciaux sur le front en Irak.
On regrette que Koren Shadmi ne semble pas autant à son aise que sur ses propres scénarios, notamment Abaddon. Peut-être à cause de lamateurisme des scénaristes, il est difficile de sattacher aux personnages, alors même quon peut (et doit) craindre pour leur vie.
Pour autant, et notamment à partir de lattentat lui-même, on ne peut quêtre touché par ce livre-témoignage, qui se veut aussi un manifeste pour la paix. Les auteurs précèdent chaque chapitre de citations du Coran qui prônent la réconciliation, et cest aussi la première déclaration officielle de Jack à lhôpital : « Nulle part dans le Coran il ny a dinjonction au meurtre. »
Même au Proche-Orient, loptimisme a la peau dure.
Clément Lemoine ( Mis en ligne le 08/06/2015 ) Imprimer
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