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Bande dessinée -> Chroniques - Autobiographie |
| Will Eisner New York Trilogie (tome 1) - La Ville Delcourt - Contrebande 2008 / 14.95 € - 97.92 ffr. / 160 pages ISBN : 978-2-7560-0951-3 FORMAT : 17,3x26,4 cm Imprimer
Avec ce premier tome dune nouvelle trilogie, Delcourt continue brillamment son travail de réédition de luvre de Will Eisner, de façon plus thématique que chronologique. Ainsi, après les classiques que sont Un pacte avec Dieu ou Dropsie Avenue, New York Trilogie propose de retrouver quelques autres grands récits (« Les Gens » ou « LImmeuble » sont au programme des tomes suivants), et ces fameuses pages dun Will Eisner observateur et chroniqueur de ses contemporains, peignant les gens et les lieux dans une suite de savoureuses saynètes, délaissant les grands récits à plusieurs personnages pour se concentrer sur des anonymes pris sur le vif dans des situations quotidiennes. À linstar des deux amoureux de la couverture, Eisner pose ainsi un regard sur son New York, celui des quartiers populaires et des petites gens, celui du bruit et de la violence, celui des petits drames quotidiens et des joies passagères.
Le dessinateur fait linventaire des structures urbaines (un lampadaire, des poubelles, le métro
), des habitants (des « gens de la haute » au clochard sur le perron
), et des mutations (un déménagement, un immeuble que lon détruit
) pour en faire une succession de sketches finement élaborés, toujours dune belle justesse. Tout peut être prétexte à une scène intéressante, la ville entière, celle qui ne sendort jamais, est un spectacle pour qui sait la regarder. Eisner croque la Pomme à belles dents, piochant nimporte où, dans une plaque dégout ou une boîte aux lettres, la géniale inspiration. Ces vignettes sans cadre sont les fenêtres sur cour du voyeur Eisner, lil aux aguets, prêt à faire de nimporte quel élément le début dune nouvelle histoire, un nouveau chapitre à ajouter dans le roman dune ville en constante effervescence.
Avec un savoir-faire imparable, Eisner multiplie les points de vue, cherchant toujours le plus juste moyen de retranscrire une action, un événement, une scène de vie, quelle soit anodine, fugitive, ou dramatique. Ainsi, voilà le narrateur qui place son lecteur à hauteur dune bouche daération, ne donnant à voir que les jambes génialement expressives des quidams parcourant le bitume. Plus loin, Eisner suit en vision macro le parcours dun insecte particulièrement obstiné dans sa conquête des hauteurs. Dans une parfaite et exemplaire maîtrise des règles de la bande dessinée, Eisner sait toujours ce quil veut montrer, et ce quil peut laisser à la discrétion et la sagacité du lecteur. Ce dernier devient lui aussi dès lors scrutateur de ce quon lui propose, rassemblant les pièces, se racontant lhistoire comme sil en était le principal témoin.
Si lil dEisner sattarde avec une certaine tendresse sur tout ce petit monde, il nest pas non plus totalement exempt dune implacable lucidité sur les réalités de la vie urbaine. Violence et lâcheté sont souvent mises en scène, évinçant soudainement toute trace de mièvrerie. Ainsi, ce couple témoin de lagression dune jeune fille dans la rue et qui se convainc de ne pas intervenir pour ne pas aller au-devant dennuis. Cruauté dune vie qui ne fait pas de cadeau, mais aussi réservoir démotions joyeuses et fortes. Avec cette suite de moments volés, Eisner se pose comme un amoureux de sa ville, ladorant et la détestant, la jalousant et linsultant. Cest sur papier et en dessins (superbes) quEisner chante son New York, New York. Une ode à la fois triviale et drôle, émouvante et sincère, un superbe portrait, décidément indispensable.
Alexis Laballery ( Mis en ligne le 31/03/2008 ) Imprimer
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