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Bande dessinée -> Chroniques - Autobiographie |
| Nine Antico Le goût du paradis Ego comme X 2008 / 16 € - 104.8 ffr. / 104 pages ISBN : 2-910946-66-5 FORMAT : 16,5x24,5 cm Imprimer
Nine Antico nous raconte sa vie. À coup de petites saynètes, de drôles de plans serrés qui nous montrent ses meilleures copines et ses jeunes aspirations. Son dessin schématique sintéresse avant tout aux mouvements des personnages, et nhésite pas à laisser les silhouettes évidées, comme en contre-jour. On pense plus à Gébé quà Crépax, et pourtant ce graphisme réussit bien à évoquer les corps et les souvenirs, à travers une mémoire qui sefforce de faire le point, sans y parvenir.
Il y a trois âges dans lautobiographie de cette jeune femme. Lenfance, dabord, la petite fille bien coiffée qui sinterroge sur la vie à grand renfort dimagination, en sinterrogeant impatiemment sur les garçons, leur corps et leurs sentiments. Ladolescence, ensuite, quand la sage Virginie se laisse attirer par la séduction des mâles. Et puis il y a lauteur adulte, enfin femme, enfin au point sur la question de la sexualité, et qui transparaît dans les titres des chapitres, avec une ironie distanciée. Pourtant son pseudonyme, le diminutif Nine, évoque encore lenfance.
De Virginie jusquà Nine Antico, il y a une prise de conscience à laquelle on nassiste pas. Ce nest pas tant un roman dapprentissage (du moins pas seulement) quun album de photos. Des souvenirs de jeunesse quelle égrène, avec un regard tendre et amusé.
On nest pourtant pas dans lanecdotique. Bien sûr, Nine Antico, née en 1981, fait le portrait de sa génération, qui regarde « Hélène et les garçons » et Jacques Martin. Mais elle parle delle plus en profondeur, et par ce biais nous parle de notre société.
De la difficulté dêtre une jeune fille blanche (et bonne élève), au milieu dune cité colorée de la Seine-Saint-Denis. Virginie complexe, se dévergonde gentiment, et rejette les blancs bouffons au profit du crâne rasé de Mathieu. Ici le malaise adolescent prend tout son sens, dans une différence autre que celles quon a lhabitude dentendre.
De la difficulté, aussi, denvisager la sexualité quand on en aperçoit le seuil. Virginie la fillette et Virginie ladolescente sont tout aussi désarçonnées, quand il sagit de simaginer avec des seins ou en train de faire lamour. Les premiers baisers, répétés sur la main devant la télévision, les passions imaginaires, la peur des premières règles
Si cest la petite Virginie qui crie, avec ses copines, que Marlène (que les garçons embêtent aux toilettes) « en fait, cest une pute », cest la grande qui tague sur le mur « Marlène suce des bites ». Malgré la cohérence limitée de ces deux époques mises côte à côte, ou plus exactement insérées lune dans lautre, il faut leur reconnaître une approche commune, et finalement un recul plus grand pour traiter du thème de lattente.
Enfant, adolescente, Virginie simagine adulte, en attendant de lêtre. Un regard qui sinverse au moment de lécriture, lorsque cest ladulte Nine qui sobserve grandir. Sans nous dévoiler ce quelle est devenue, ce quelle a pu apprendre sur les corps et les pratiques amoureuses. Comme si les maigres leçons de Virginie, ses râteaux, ses échecs, ses ruptures, formaient la seule morale quon en pouvait tirer. Une fausse éducation sentimentale, qui se moque dun passé où on croyait au futur.
Clément Lemoine ( Mis en ligne le 13/04/2008 ) Imprimer | | |
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