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Bande dessinée -> Chroniques - Autobiographie |
| Stéphane Levallois La Résistance du sanglier Futuropolis 2008 / 23 € - 150.65 ffr. / 120 pages ISBN : 978-2-7548-0184-3 FORMAT : 22x30 cm Imprimer
Le livre commence par une succession de petits souvenirs, petites madeleines piochées indistinctement et libérées, a priori, de toute contrainte dramatique. Stéphane se remémore des vacances chez sa grand-mère, et sattache aux détails qui décoraient ces journées dalors. Rien de plus banal quun portail de jardin, une toile cirée, une horloge au mur, un calendrier des postes dans les toilettes, ou les pieds dune table sculptés en forme danimaux. Objets du quotidien que seuls les enfants savent voir avec des yeux toujours fascinés. Et cest une banalité dès lors ancrée dans la mémoire comme une suite de repères inusables, dinstants éparpillés dans une vie. Dans cette première partie de lalbum, lauteur fait déjà appel à la mémoire, cest le thème de son livre, puisant dans ses souvenirs pour y extirper une ambiance, une impression fugitive.
Et dans cette atmosphère de douce mélancolie un peu onirique, un peu floue, le glissement vers le sujet principal peut dès lors avoir lieu. Le devoir de mémoire est en route, et se remémorer son passé amène naturellement à remonter les branches de larbre généalogique. Après sêtre plongé ainsi dans ses propres souvenirs, Stéphane peut raconter autre chose, revivre hier, et parler enfin de son grand-père. Un homme quil na pas connu mais à qui, lui dit souvent sa mère, il ressemble beaucoup. Dans la maison de vacances, Stéphane, enfant et adulte à la fois, sent la présence de son grand-père. Cétait quelquun de très fort. Fort comme un buf. Ou un sanglier.
Entracte et acte 2 du livre donc : voici cette fois quelques moments choisis dans la vie dun héros ordinaire. Bernard, boucher dans le Loir et Cher, homme simple au-dessus de tous soupçons, et résistant pendant la guerre. Il cache des armes, se fout de la trogne des nazis, aide des juifs à senfuir
Il ne fait pas partie dun grand réseau, et il semble le plus souvent bien seul. Mais voilà un homme qui, à son échelle, narrête pas de mettre des bâtons dans les roues des jeeps allemandes. Un héros discret, parmi dautres.
En choisissant de donner à son grand-père le visage dun sanglier, Stéphane Levallois en fait une légende, quasi un super héros, un modèle. En se regardant dans le miroir, lauteur cherche à voir son grand-père comme sa mère peut le faire. Et témoigner enfin de lexistence de cet homme extraordinaire. Pas de scénario calibré ici, juste une série de courtes scènes, rappelant la première partie du livre ; les souvenirs et les échos du passé reviennent avec le même rythme. Comme si, à travers le travail de Stéphane cétait Bernard le grand-père qui pouvait revenir souffler ses mémoires.
À coups de griffures, de taches, de débordements flous et de coulures, le dessinateur compose de superbes planches où la mélancolie grisâtre dune époque envolée celle de lenfance que lon cherche à retrouver laisse peu à peu la place à une violence brutale, une terrifiante réalité. Dans ces gris de cendre et ces noirs charbonneux, se fixe peu à peu une émotion rude et implacable. Et le pari esthétique initial risqué daffubler le personnage du grand-père dune tête de porc sauvage est gagné avec une belle assurance, laissant dans la tête du lecteur des images fortes, dune noirceur âpre mais distinguée.
Un très beau livre sur la mémoire et la transmission.
Alexis Laballery ( Mis en ligne le 16/09/2008 ) Imprimer
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