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| Bande dessinée -> Policier - Thriller |
| Thierry Smolderen Alexandre Clérisse Une année sans Cthulhu
Dargaud 2019 / 21 € - 137.55 ffr. / 176 pages
ISBN : 978-2205-07744-5
FORMAT : 21x28 cm
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Après les années 50 dans Souvenirs de l’empire de l’atome et les années 60 de L’Eté Diabolik, le tandem Smolderen/Clérisse nous projette dans les années 80 pour cette Année sans Cthulhu. L’action prend place dans un petit village du sud-ouest où il faut bien le dire, il ne se passe d’ordinaire pas grand-chose. Le jeu de rôle « L’Appel de Cthulhu », les jeux d’arcade du supermarché et quelques soirées par-ci par-là rythment le quotidien de quelques collégiens dont on suit les pas. L’arrivée d’une nouvelle élève dans la classe va bousculer ce quotidien et le fait-divers tragique est au bout de la route.
Comme dans les albums précédents de Smolderen et Clérisse, le récit prend des tours et des détours malicieux pour mieux emporter son lecteur dans une aventure étrange et palpitante. Une ribambelle de personnages aux motivations troubles défile et les identités se dévoilent au fil des pages, peu à peu. Comme d’habitude, le scénario de Smolderen ne suit pas une ligne droite des plus classiques et l’album, dense, admettra volontiers une deuxième lecture pour appréhender tous ces différents fils. Les thèmes, nombreux, se mêlent, faisant osciller l’histoire entre drame, bluette adolescente et fantastique inquiétant. L’ombre de Lovecraft plane, puisque les références au jeu de rôle adapté de son œuvre sont nombreuses : on y parle de cités antiques, d’horreur dans le cimetière et quelques tentacules trainent au coin des pages. Mais on est loin d’un hommage au maître de Providence : pas d’indicible créature tapie dans les recoins du village, seulement des individus aux intentions louches. Smolderen et Clérisse aiment tellement le mélange des genres que parfois même, au cours d’une action périlleuse, les personnages de papiers deviennent des êtres pixélisés. C’est d’ailleurs l’un des thèmes abordés dans l’album, l’intelligence artificielle et ses prémisses ou comment l’esprit vient aux machines.
On pense aussi à des films des années 80, à des jeux vidéo et quelques groupes de rock de ces années-là. Sans toutefois tomber dans un esprit nostalgique revival ponctué de références à la Stranger Things : ici tout est plus sombre, plus complexe, il ne s’agit pas d’un jeu de pistes truffés de clins d’œil mais bel et bien d’une intrigue tortueuse où l’ambiance des années 80 se reflète surtout dans une certaine gravité, une lourdeur constante.
Pour donner corps et panache à cette aventure, Clérisse rivalise encore de tours graphiques épatants : laissant loin derrière lui une esthétique réaliste qui aurait affadi le récit, il met en place un style où la technologie numérique vient rebooter un style retro fait de douces textures et de formes pures. La ligne s’efface sous les dégradés aux jolies nuances. L’ensemble promet des pages d’une grande originalité et d’une belle richesse. Un bel album, sinueux et ample, un moment de lecture enthousiasmant.
Alexis Laballery
( Mis en ligne le 08/10/2019 )
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