|
Bande dessinée -> Aventure |
| Jean Giraud Mister Blueberry (tome 27) - OK Corral Dargaud 2003 / 9.45 € - 61.9 ffr. / 48 pages ISBN : 2-205-05338-8 FORMAT : 22,5 x 29,5 cm Imprimer
La couverture du vingt-septième album des aventures de Blueberry est un signe évocateur en même temps quun soulagement probable pour le fan : lex-lieutenant reprend enfin les armes. Après un album passé à jouer au poker et deux autres prostré au lit racontant ses souvenirs à un biographe peu scrupuleux, Blueberry est de nouveau sur pied et cest la mystérieuse disparition de la belle Doree Malone qui le pousse à sortir ainsi de sa trop longue convalescence. Errant dans un Tombstone violent et sauvage, Blueberry le veinard échappera une nouvelle fois à la mort et se retrouvera finalement au beau milieu des préparatifs du fameux duel à OK Corral.
Avec cet album, le sous-cycle "Mister Blueberry" prend toute son ampleur. Avec un sens de la narration et du détail qui fait inévitablement mouche, Jean Giraud met progressivement en place une histoire passionnante et très forte. Les puristes et nostalgiques de lépoque Charlier pourront sans doute encore râler et regretter cette étape de la saga où, quand le héros nest pas alité, il est alcoolique notoire ou passe son temps à jouer au poker. Les autres applaudiront la façon dont Giraud bouscule les conventions de la série, prend des risques, et loin de détruire le mythe (on nest pas dans le pastiche), lui confère au contraire une aura encore plus grande. Cest que les rides lui vont bien, à Blueberry.
De même, en choisissant de faire évoluer son héros autour dun événement célèbre de lHistoire de lOuest, Giraud façonne un peu plus la légende Blueberry. Si ce dernier côtoie le Doc Holliday ou prend une bière aux côtés dun des frères Earp cest, au-delà de la dimension ludique de lexercice, une manière de faire vivre son personnage, de lui donner cette stature de héros évident, indémodable. Lêtre de papier prend de lépaisseur. Giraud entrelace ainsi habilement les éléments historiques irréfutables, les affabulations et autres exagérations qui se sont obligatoirement greffées autour, et les propres codes inhérents à la série.
À la différence des deux albums précédents, les flash-back qui ramenaient le lecteur quinze ans en arrière sont momentanément interrompus, toute laction se déroulant sur un seul jour. Lépique rencontre entre Blueberry et Geronimo reste donc pour linstant en suspens. OK Corral relate la journée qui précéda ce fameux jour doctobre 1881 et son règlement de comptes entre les frères Earp accompagnés de Doc Holliday et le clan Clanton/McLaury. Ces dernières vingt-quatre heures sont pleines de rebondissements et dintrigues tissées par un Giraud au meilleur de sa forme. Minutieusement, lauteur installe ses différents pions avant la bataille. Une partie déchecs où chaque pièce doit être à sa place à lheure H. Les protagonistes suivent fatalement une route qui les mènera à jouer un rôle plus ou moins prépondérant autour du duel à OK Corral.
Tel Clint Eastwood avec Impitoyable, cest à un western crépusculaire et par là ultime auquel est convié le lecteur. Lépoque est violente, tourmentée et forcément terminale. Cela nest pas pour rien si depuis plusieurs années Giraud (ou peut-être est-ce Moebius ?) parle de commencer une série parallèle, un "Blueberry 1900", comme pour marquer le début dautre chose. Car ici, la fin est proche.
Comme dans le film dEastwood, la violence serait sans doute le thème principal du cycle "Mister Blueberry". De la simple injure verbale aux délires furieux dun serial killer échappé dun roman de Thomas Harris, en passant par les sauvages exécutions dun officier de larmée, la violence est déclinée sous toutes ses formes et prend tous les visages. Elle népargne personne sur son passage, pas même le plus innocent et pleutre des journalistes comme on le verra dans cet épisode.
Album complexe et foisonnant, OK Corral marque une fois de plus la prédominance de Giraud sur le genre. Nayant a priori plus rien à prouver, pourquoi ne pas tout de même enfoncer le clou ?! Et cest un souffle général, un amour du dessin et du métier qui transparaît dans ces planches. La (re)lecture des trois tomes précédents est sans doute préférable, si ce nest indispensable, pour apprécier à sa juste valeur cet épisode dune des séries les plus stimulantes du moment. Un moment qui dure depuis près de quarante ans.
Alexis Laballery ( Mis en ligne le 20/10/2003 ) Imprimer
A lire également sur parutions.com:La jeunesse de Blueberry (tome 16) de François Corteggiani , Michel Blanc-Dumont Mister Blueberry (tome 28) de Jean Giraud Mister Blueberry de Jean Giraud | | |
|
|
|
|