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Bande dessinée -> Aventure |
| Milo Manara Giuseppe Bergman (tome 9) - L’Odyssée de Giuseppe Bergman Les Humanoïdes associés 2004 / 12.60 € - 82.53 ffr. / 60 pages ISBN : 2-7316-6138-0 FORMAT : 24 x 32 cm Imprimer
Milo Manara est lhomme de deux uvres. La première dentre elle est tout entière peinte aux couleurs de lérotisme. La série du Déclic en est lemblème et, de façon générale, elle concerne lensemble des albums publiés, en France, par les éditions Albin Michel. La seconde uvre, sans renier totalement la première (les femmes nues, que Manara dessine si bien, y sont également très présentes), tourne autour de laventure. Ce sont les albums que Manara a dessinés, pour Casterman, sur des scenarii de Hugo Pratt (Un été indien, El Gaucho) et la série des histoires qui prennent pour héros ou plutôt anti-héros Giuseppe Bergman.
«LOdyssée de Giuseppe Bergman» est sans doute un des albums les plus ambitieux de Manara. Le malheureux Giuseppe, naufragé alors que rôde un énorme requin, est sauvé par un petit bateau dirigé par une très jolie «skipper» dont on ne connaît pas le nom. Avec elle se trouve un vieux professeur qui entend refaire, en Méditerranée, le périple dUlysse, accompagné dune très belle femme à moitié nue, déguisée en hermaphrodite. Manara, dans un voyage qui mêle le rêve et la réalité, conduit donc les quatre protagonistes de cette histoire chez les Lotophages, dans le palais dEole, entre Charybde et Scylla, chez les Sirènes, au royaume des morts ou dans lîle de Circé.
Giuseppe Bergman, ayant retrouvé le casque du lâche Elpénor, «le plus malchanceux des marins dUlysse», peut, ainsi que la «skipper», voir ce qui sest réellement passé aux temps antiques, ce qui nous vaut de très belles planches dans lesquelles Manara sinspire des lignes de la Grèce antique pour représenter, par exemple, la faute des marins dUlysse qui dénouèrent loutre des vents que leur avait confiée Eole ou pour représenter, dans deux planches qui rappellent un peu le 300 de Frank Miller, larmée des soldats morts à la guerre dirigée par le terrible Achille, héros magnifique et cruel, qui préférerait pourtant «être le valet du dernier des bouviers, en vie, plutôt quêtre le souverain de ce royaume dombres !..»
Il y a beaucoup dastuces dans cette histoire admirablement dessinée (est-ce une impression ou, au contraire de tant de dessinateurs parvenus à la gloire, Manara dessine de mieux en mieux ?). Au hasard : ces hommes à tête de porcs du royaume de Circé, dont la représentation rappelle que Manara nest pas dupe de son érotisme ; la transformation de lhermaphrodite en Nausicaa, à la fin de lalbum, sous les yeux enfin ouverts du vieux professeur, tandis que le requin se repaît du faux sexe masculin qui avait transformé la belle en homme ; les «bikers» ivres dalcool et de drogues en parodies modernes des Lotophages, etc.
Surtout, Manara entretient un rapport avec la morale de son histoire, qui rappelle celle de son vieux maître Hugo Pratt. Citons en exemple ce dialogue du vieux professeur et de la belle «skipper» :
« Tel est lenseignement de lOdyssée moderne ! Par avidité de richesses, les hommes violent la nature, abattant les forêts et rejetant dans lair les gaz et les déchets toxiques qui provoquent des bouleversements climatiques ! Sans souci des conséquences, ils réduisent la terre à un désert inhabitable !
Bien, assez de sermons, professeur, ils ne servent à rien. Les gens continuent à parler décologie, mais personne nest disposé à renoncer à sa voiture. Donc, au moins, arrêtons de nous bercer dillusions.
Mais la prise de conscience est extrêmement importante ! Cest pour cela que je dois parcourir à nouveau lOdyssée !
Bien. Jai dit ce que je pense, je peux aller dormir.»
Manara balance entre les grands sentiments qui animent tant de bandes dessinées contemporaines, et la distance critique dun Corto Maltese, au fond daccord avec tout cela, mais qui préfère aller dormir, et «rêver peut-être», pour reprendre le titre dune autre des aventures de Giuseppe Bergman. Rappelons que, dans le premier tome de la série, «HP» nest autre que Hugo Pratt. Signalons aussi que la dernière vignette de ce neuvième tome nest pas de Manara, mais de Pratt, ce qui donne aux dernières lignes de lalbum lallure dun bel hommage. Les rêves daventures de Giuseppe Bergman ont pour socle une histoire qui va dUlysse à Corto Maltese, une histoire que Manara connaît admirablement. On attend avec intérêt la suite de la quête daventure de Giuseppe Bergman, qui na pas déquivalent dans la bande dessinée moderne. Hugo Pratt est mort ; vive Milo Manara ?
Sylvain Venayre ( Mis en ligne le 10/04/2004 ) Imprimer | | |
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