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Bande dessinée -> Les grands classiques |
| Jijé Tout Jijé (tome 17) - 1941-1942 Dupuis 2004 / 15.95 € - 104.47 ffr. / 192 pages ISBN : 2800133775 FORMAT : 21x29,7 cm Imprimer
Jijé fait partie des grands anciens de la BD, et il était bien naturel que Dupuis, dans une collection rétrospective, entreprenne lédition définitive des uvres de ce dessinateur. Avec ce dix-septième tome, qui rassemble deux versions de sa monumentale biographie de don Bosco, on touche là à un genre original, un peu oublié : la bande dessinée édifiante dinspiration chrétienne, et lhagiographie dessinée. De fait, lalbum date, dans sa première version, de 1941 : dans le climat très particulier de lépoque (loccupation en Belgique), lhistoire de don Bosco satisfait aux exigences de lheure (un moralisme chrétien rigoureux destiné à un public jeune) et entre en résonance avec les grands thèmes de lépoque (la jeunesse, la guerre et loccupation
). Bref, lexercice est intéressant, et important dans la carrière du tout jeune Jijé comme dans lhistoire du Journal de Spirou (dont don Bosco est alors proclamé le protecteur par la direction). Mais examinons lobjet
Il sagit dune biographie dessinée de don Bosco (1815-1888), figure importante de la Restauration en Italie. Dans une péninsule largement touchée par la Révolution, litinéraire spirituel de ce jeune paysan pauvre ordonné prêtre en 1841 atteste dun renouvellement de la religion face aux temps nouveaux. Nappartenant pas à une faction particulière de lEglise dalors (ni intransigeant, ni libéral), uniquement préoccupé par la jeunesse quil entend réinscrire dans des valeurs chrétiennes, Jean Bosco est à la fois un novateur et un tenant de la tradition ecclésiastique dans les pas de Saint Philippe Neri. Il est également influencé par la spiritualité dAlphonse de Liguori (1696-1787), canonisé en 1839, qui pousse à une nouvelle mission de proclamation de « lamour de Dieu ». Ainsi Jean Bosco décide de dédier son action aux jeunes, via linstitution ancienne du patronage. Pas de politique dans cette affaire : le patronage, simplement, a pour but « de retenir la jeunesse dans les jours de fête avec de plaisantes et honnêtes récréations après avoir assisté aux offices sacrés de lEglise ».
En 1844, à peine sorti du Collège ecclésiastique de Turin, don Bosco ouvre son premier patronage, dans la banlieue de Borgo Dora, avec un groupe composé en priorité de jeunes apprentis maçons, qui étaient déjà ses catéchumènes au Collège, institution quil place sous la protection de Saint François de Sales (1567-1622). Le patronage nouveau existe et simpose rapidement. Parallèlement, lItalie de lépoque est encore à létat « dexpression géographique » (pour citer Metternich) : dans la tourmente des guerres du Risorgimento, guerres de lunité italienne, la papauté ne semble pas pouvoir sopposer à la force nouvelle du nationalisme. Partisan dun tiers parti, entre résistance et abandon, don Bosco fait partie des inspirateurs de la politique finalement pacifique de Pie IX, refusant le combat à Rome. Cest donc la vie dun saint homme, vie exemplaire et édifiante pour la jeunesse, qui est présentée ici. Du reste, entre Dupuis, grand éditeur pour la jeunesse, et don Bosco, qui a dédié sa vie à cet âge, il y a forcément des concordances.
Mais cet album ne serait-il quune réédition de luvre de 1941, il naurait pas la valeur documentaire de cette nouvelle édition : en effet, celle-ci rassemble deux éditions successives et juxtaposées (page par page), celles de 1941 et de 1951. On le constate : en 10 ans, le style sest affiné et affirmé, il est plus réaliste, concis, moins lyrique aussi mais émotionnellement plus chargé. Jijé privilégie, 10 ans plus tard, une vision plus adulte du saint. Page après page, case après case, il a complètement redessiné son album, changeant non seulement de graphisme, mais aussi parfois de mise en scène, raccourcissant certains épisodes, introduisant des anecdotes ou en développant dautres. Cet album présente donc un double intérêt : lamateur de bande dessinée appréciera la juxtaposition des deux versions, pourra comparer lévolution dun talent et dun projet. Quant au lecteur érudit curieux dun genre désormais un peu oublié ou dun personnage qui semble passé de mode (mais lencadrement de la jeunesse est-il vraiment une idée si réactionnaire ?), il acquiert avec cet album un texte devenu difficile à trouver, presque un voyage dans lhistoire de la BD.
Gilles Ferragu ( Mis en ligne le 16/10/2004 ) Imprimer | | |
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