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Bande dessinée -> Revues, essais & documents |
| Collectif Aaarg ! (N°6) aaarg ! 2014 / 16.50 € - 108.08 ffr. / 276 pages ISBN : 9782370310170 FORMAT : 22,5x31 cm
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Après un an et six numéros, Aaarg ! remporte indéniablement son pari. La revue de « bande dessinée & cultures à la masse » a réussi à se faire une place dans les librairies et à safficher parmi les références du moment. Le numéro anniversaire est donc double, assorti dune « cantine » autoparodique, et à peine plus cher. Pourtant, la cause nétait pas gagnée, au vu des auteurs sélectionnés, plutôt en début de carrière et pas encore suivis par de nombreux fidèles. Un an plus tard, ces dessinateurs ne se baignent sans doute pas encore dans le champagne, et nous sommes toujours fortement conviés à nous abonner, mais du moins les numéros senchaînent-ils avec une bonne santé confondante et un public grandissant.
Comment Pierrick Starsky et sa bande se sont-ils imposés comme une des têtes daffiche de la création contemporaine ? Dabord par un objet épatant, qui échappe à lanecdotique, et met en couverture les pointures du graphisme dessiné : la série dillustrations ornant les numéros de cette année ont ravi nos pupilles sans manquer doriginalité. Ron Cobb, personnalité méconnue mais designer de gros succès hollywoodiens en parallèle dune carrière de dessinateur de presse, fait ainsi lobjet dune copieuse rencontre dans ce numéro anniversaire.
Mais Aaarg ! nest pas une forme sans fond, et la force de la revue est aussi davoir immédiatement posé une ligne éditoriale forte, reposant moins sur la maîtrise des auteurs que sur la présence dun sujet. Lhabillage éditorial donne le ton dun engagement politique que perpétuent les scénarios de Starsky lui-même, avant dêtre relayés par le reste de léquipe. Il sagit ici de parler du monde tel quil est, des tueurs des abattoirs, des vagabonds, des paumés. Ni Dieu ni Maître ! Et si une société doit mavoir, que ce soit une SARL que je gère moi-même. Cynisme et anarchie font bon ménage dans un discours à rebours du pouvoir. La cible, cest la masse. Goût des genres dits-mineurs, de la science-fiction, du polar. Volonté de revaloriser le populo, largot, le rire qui tache. « Mon territoire, cest la province, les bleds glauques à histoires glauques », témoigne le narrateur de Noir comme le souvenir de Starsky et Rica. Et plus loin : « Lespoir est un privilège desclaves. »
Si tous les récits ne sont pas de la même tenue, on peut noter parmi les plus réussis de ce numéro le jeu vertigineux de Mo-cdm sur les paradoxes temporels, ou encore les braqueurs à la petite semaine de Starsky et Place. Mais ce sont toutes les meilleures signatures indépendantes daujourdhui quon retrouve de page en page : Bgnet, Riff Rebs, El Diablo, Texier et de bonnes surprises comme Orhun et les frères Marco, sans oublier tous ceux qui livrent une fausse couverture, parmi lesquels Pochep, Julien Loïs ou Goupil Acnéïque.
Le mérite de Aaarg ! revient aussi à son rédactionnel. Là où les magazines spécialisés détournent le plus souvent lart de la nouvelle pour en faire le prétexte dillustrations maison, la revue de « culture à la masse » laisse à ses récits toute leur force, en les présentant comme des pavés de texte irréductibles. Lécriture moderne dOlivier Boraçarre ou dEddie Paggetto, dans ce numéro, montre lintelligence du recours à de jeunes plumes éprises de style. On trouvera aussi des dossiers empreints de culture populaire ou présentant des potes, comme cette fois-ci le groupe de rock Diego Palavas, dont un CD best-of est joint à la revue.
Il faut espérer que Aaarg ! pourra longtemps encore porter ce mélange de révolte et de plaisir.
Clément Lemoine ( Mis en ligne le 18/11/2014 ) Imprimer | | |
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