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Qui Astro embrasse
Nicolas Tellop   Astro Boy, coeur de fer
Les Impressions nouvelles 2020 /  12 € - 78.6 ffr. / 128 pages
ISBN : 978-2-87449-742-1
FORMAT : 13x19 cm
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Intitulée La Fabrique des héros, cette collection des Impressions nouvelles mérite toute notre attention. Elle a le bon goût de se pencher sur les personnages (Batman, Maigret, Nosferatu...), une notion souvent boudée par la critique intellectuelle, qui lui préfère auteurs et concepts. Le personnage est pourtant au cœur des traditions de la bande dessinée, et les grandes figures du vingtième siècle sont généralement de fiction. Qui plus est, ces deux nouveaux titres de La Fabrique des héros sont consacrés à des icônes internationales, Barbarella et Astro Boy, dont les commentaires fouillés ne sont pas nombreux.

Nicolas Tellop, qui s’attaque à Astro Boy, n’est pas un spécialiste du manga. Il limite d’ailleurs son corpus à l’œuvre originelle de Tezuka et n’évoque qu’en passant, sans prétention à l’exhaustivité, certaines des reprises postérieures. Mais à défaut d’un discours érudit sur les conditions de réalisation de la série, il nous invite à une déambulation pleine de découvertes ; à l’intégrale américaine, ainsi qu’aux deux biographies françaises de Tezuka qui lui servent de point d’appui, il ajoute une foule de références, puisées dans l’actualité, l’histoire du Japon, Descartes ou la bande dessinée franco-belge. Une façon de mettre en écho le personnage d’Astro Boy et de le resituer, dans toutes ses ambiguïtés, comme un moteur narratif et intellectuel.
Il s’appuie notamment sur le philosophe Giorgio Agamben pour faire d’Astro un représentant de l’expérience humaine après sa disparition lors de la défaite japonaise en 1945. Enfant prodige dans une société d’adultes en échec, robot parfait face à des technologies mortifères, Astro Boy incarne un nouveau modèle qui porte en lui l’espoir d’une nouvelle société.
De fait, la question de la foi dans la science est au cœur de la série, et Tellop se distingue sur ce point avec brio de la plupart des lectures traditionnelles. On se souvient que Tezuka, qui ne jurait que par la nature, fut contraint par ses éditeurs de prendre un robot comme personnage principal ; devant ses réticences, il lui fut conseillé de le traiter comme un petit garçon. De là l’ambiguïté de cet enfant mécanique, plus humain que les humains, dont l’âme est seule à briller face à la froideur de son environnement. Car en-dehors du personnage d’Astro lui-même, la course à la technologie et au progrès ne conduisent qu’à la ruine et à la mort. Le professeur Tenma, notamment, ne sait pas aimer et ses tentatives se terminent toujours par la destruction. En fin de compte, Astro lui-même a peur de perdre son humanité, peur de ne pas faire partie de la société : il nous ressemble par ce en quoi il diffère de nous.
Autre facette du personnage, son volet artistique : Astro est une œuvre d’art insensible à la beauté, dont les pleurs restent incohérents, et Tezuka n’a cessé de le ramener à son statut de figure de papier, en multipliant les scènes de rencontres entre dessinateur et héros. L’évolution des origines est donc assumée avec ironie, transformant de son vivant le robot en mythe à géométrie variable. Tezuka le fait parfois grandir pour s’adapter à l’âge de ses lecteurs, puis en refait un mignon petit robot lorsqu’il souhaite renouveler son public. Astro Boy est ainsi une des premières figures à incarner le personnage tel que le merchandising le constitue aujourd’hui, au gré des reprises et des reboots.
Tellop relie d’ailleurs Astro aux grands personnages de bande dessinée du vingtième siècle, à la tradition des enfants perdus et des orphelins. On pourrait discuter du choix de considérer Batman, ou Tintin, comme des pairs du petit robot, et regretter le peu de place consacré à Mickey, lequel en était bien plus ouvertement un modèle. Il n’empêche que cette analyse du personnage-type de bande dessinée, mis en regard de Peter Pan et du Pays du Jamais, est particulièrement stimulante.

Relecture d’un classique en compagnie d’un exégète cultivé et profond, cet Astro Boy nous donne des clés nouvelles pour appréhender la bande dessinée, d’ici comme d’ailleurs.


Clément Lemoine
( Mis en ligne le 28/01/2020 )
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