| Domitille Collardey L’Équipette, (tome 1) - La Chaussette de l’Insecte a disparu Diantre ! - Blop 2008 / 5 € - 32.75 ffr. / 48 pages ISBN : : 978-2-35634-003-0 FORMAT : 13,5x10 cm Imprimer
Pendant plusieurs décennies, en gros de 1960 à 1980, la bande dessinée (jeunesse, par principe) a connu en son sein un sous-genre fertile, celui du groupe denfants. Les As, la Ribambelle, les Peurs-de-Rien, la Patrouille des Castors
Vaguement inspirée de la littérature jeunesse classique, elle-même riche en Club des Cinq et en Six Compagnons, ces nombreuses bandes déclinaient, chacune à leur façon, des profils semblables. Il y avait lhéroïque chef de bande, le petit binoclard aux inventions géniales, la fille (son sexe suffisait en général à la définir), le gros plein de soupe joyeux mais gaffeur, et enfin, parfois, le représentant dune quelconque minorité ethnique. Sous des surnoms variés et un titre collectif, ils se lançaient dans des missions qui passaient de lintérêt très local au fantastique pur jus.
Aujourdhui, ce sous-genre a pratiquement disparu de la production de bande dessinée. Le renouvellement du secteur jeunesse depuis 15 ans a surtout donné lieu à des héros solitaires, avec ou sans copains derrière. Les Peanuts ont laissé la place à Titeuf.
Il est donc amusant de lire, dans ce petit livre que Domitille Collardey publie chez Diantre, un décalquage moderne et ironique de ce sous-genre dépassé. LÉquipette, cest le nom de ce petit groupe, est composée de quatre identités fortes. Il y a dabord Raoulthéo, le savant, ingénieux mais replié derrière ses idées folles (il envisage un temps de construire un zeppelin). On trouve aussi Léonida, aux grands yeux et aux longues boucles, perdue dans la contemplation des feuilles automnales. Cest ensuite Youssouf, gros froussard timide caché sous un ballon. Et enfin LInsecte, que toute lécole, suite à son cheveu sur la langue, sobstine à appeler lInfecte : un garçon disproportionné, aussi souillon que le Pig-Pen des Peanuts, mais muni de bras à rallonge.
Ce petit groupe na pourtant rien à voir avec les bandes dautrefois ; car au lieu de jouer les héros, les voilà renfermés, martyrisés, réduits à des aventures de cour de récréation (en loccurrence, dans ce premier épisode, retrouver la chaussette de lInsecte). Ils provoquent, au mieux, la peur, au pire, les insultes de leurs camarades. Car ils puent, pètent, frappent, bref, marquent leur présence dans une cour décole qui semblait vouer à les ignorer.
Chacun des membres de lÉquipette, pris isolément, semble vivre dans un monde à part et ignorer la réalité : ils parlent aux mouches, aux nuages, avec eux-mêmes, avant dexister en tant que groupe. Domitille Collardey parvient à faire coexister la légèreté juvénile avec un sentiment de détresse psychologique, où seule la vengeance inconsciente (péter dans le nez des camarades) permet de se consoler dêtre différent.
Ce court récit, au format petite-poche, nest pas assez copieux pour laisser de grands souvenirs. Mais il a au moins le mérite de se lire avec surprise et amusement, et les plus petits ne devraient pas réagir autrement.
Clément Lemoine ( Mis en ligne le 20/03/2008 ) Imprimer | | |