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Entretien avec Fabrice Colin
Entretien avec Fabrice Colin


- Fabrice Colin, La Saga Mendelson - Tome 3. Les Fidèles, Seuil Jeunesse, Mai 2010, 292 p., 16.50 €, ISBN : 978-2-02-101101-2
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Parutions.com : Ma première question porte sur votre parcours, particulièrement riche et précoce. Vous avez commencé à écrire très jeune, n'est-ce pas ?

Fabrice Colin : J’ai publié mon premier roman à 25 ans, il y a donc 12 ans, et j'écris à un rythme assez soutenu, en effet. Mais quand on écrit durant toute la journée, quand on ne fait que ça, ça ne paraît pas un si grand exploit sportif d’écrire deux ou trois romans par an, notamment les romans jeunesse sur lesquels je ne passe peut-être pas autant de temps que sur un roman adulte. L'écriture est rapide également dans la mesure où, même si c'est important de savoir écrire une histoire, il n’y a pas de recherche stylistique à proprement parler… et c’est ça qui prend du temps, je trouve… Certains auteurs peuvent passer plusieurs journées sur une seule page. Mais on n'écrit pas un roman de jeunesse comme on écrirait La Recherche du temps perdu, où le style, le rythme et la musicalité de la langue comptent énormément. Quand vous écrivez des romans de science fiction ou de fantasy, notamment pour la jeunesse, vous savez que ce sont des romans où l'intrigue et la structure comptent beaucoup plus que le style. J’essaie bien sûr toujours de bien écrire mais il y a une limite à cela ; je pense qu'à vouloir atteindre un trop beau style, on risque de créer un obstacle pour le lecteur. Je n’ai donc pas besoin de deux ans pour écrire un roman.

Parutions.com : Vous établissez une forte différence entre la littérature pour la jeunesse et la littérature adulte. En ayant en tête que la littérature adulte rassemble des œuvres et des auteurs aux antipodes, quelle est malgré tout cette différence avec la littérature jeunesse selon vous ?

Fabrice Colin : FC : C’est compliqué car dans mon cas, à trois exceptions près, même quand j’ai écrit pour les adultes, il s'agissait également de fantasy ou de science fiction. Et dans ce cas, ce n’est pas très différent. Mais je crois que si demain je décide d'écrire un roman adulte pour un grand éditeur tel que Gallimard, Stock ou Actes Sud, alors, oui, les choses seront différentes, l'écriture me prendra plus de temps, car l'investissement est autrement plus important en matière de recherche stylistique, de travail sur la phrase, sur la qualité des métaphores, bref, sur l’écriture… Mais, comme vous dites… parler de la littérature adulte de manière générale, ça n’a pas grand sens. C’est une entité tellement hétérogène…

Parutions.com : Oui, parce que finalement, quand on regarde la production en littérature pour adultes et en littérature pour adolescents, on se rend compte que la frontière est très poreuse et donc, peut-être, qu'une oeuvre comme la Saga Mendelson, en la retravaillant un peu, pourrait aussi intéresser un lectorat adulte.

Fabrice Colin : Oui, tout à fait. Mais une fois encore, si je devais d'emblée me dire que j'écris des romans pour adultes, cela prendrait plus de temps, au moins un an pour écrire et pas trois ou quatre mois. Mais les frontières sont poreuses en effet, tellement d'ailleurs qu’il y a des livres qui sont publiés en grand format pour adolescents et qui sortent ensuite en collection de poche pour adultes… Sans parler de la science fiction, genre où se rencontrent les deux lectorats sans qu'on ne puisse dire s'il s'agit de littérature adulte ou pas...

Parutions.com : Qu'en est-il du public ? Ayant choisi la littérature jeunesse, rencontrez-vous régulièrement vos jeunes lecteurs ?

Fabrice Colin : Oui ; j’ai choisi d’écrire pour la jeunesse en 2001, et c’était vraiment le fruit de ma volonté… C’était avant le grand succès de Harry Potter ; maintenant, il y a pas mal de gens qui se mettent parfois à la littérature de jeunesse pour des raisons financières mais pour moi c’était vraiment un besoin, une impulsion. Je pense avoir deux facettes comme écrivain, une facette grave, réfléchie, et puis une autre facette, celle du raconteur d'histoires… moins dans l’exploration des tourments intimes et plus dans la saga, dans le récit. Et j'ai besoin de faire alterner ces deux facettes-là, à un rythme plus ou moins régulier.

Mais pour revenir à votre question, je côtoie régulièrement mon public de jeunes lecteurs en effet, parce que, en tant qu'écrivain, jeunesse ou pas d'ailleurs, on est souvent sollicité par des établissements scolaires, par les bibliothèques, pour des rencontres. On est libre d'accepter ou pas mais je me suis rapidement et facilement prêté au jeu, au point que c'est à présent une partie intégrante de mon travail, que ce soit devant une classe entière, ou deux ou trois élèves seulement. On parle des livres, on parle de l'écriture en général, et les sujets peuvent ensuite déborder de sorte que j'apporte une parole complémentaire à celle du professeur dans ces établissements, et c'est très intéressant. Pour être honnête, au départ, j'acceptais de participer à ces rencontres par intérêt financier et flatterie ; je trouvais agréable et facile de venir parler de mes romans. Mai maintenant, je pense qu'un écrivain jeunesse est investi d'une certaine mission, d'aller parler de la littérature auprès de ces jeunes d'une façon dont les professeurs ne peuvent pas forcément leur parler parce qu'ils ont un programme à suivre, ou ils n'ont pas le temps, ou pas le droit...

Parutions.com : Quand on lit vos romans et qu'on parcourt votre blog, on peut se dire que le point commun reliant la fantasy et la science fiction chez vous est le rapport au temps, le temps qui passe, le temps qui s'écoule...

Fabrice Colin : Oui, on est souvent dans des récits initiatiques qui servent de métaphores sur le passage de l'adolescence à l'âge adulte, et donc un changement de temporalité. Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si la plupart des héros de cette littérature de jeunesse sont eux-mêmes des adolescents, des jeunes gens. Il y a un rapport au temps mais à l'espace aussi ; c'est une littérature de voyage et de découvertes. C'est aussi une littérature où les personnages prennent conscience des grandes questions, notamment autour de la mortalité. Ça me paraît très parlant avec Harry Potter par exemple, qui est une série de romans où la mort est très présente. La question du bien et du mal y est également centrale, celle du possible passage «du côté obscur» des choses. C'est que cette littérature pour adolescents est aussi une école de la vie, qui confronte les jeunes à des questions parfois dures. Regardez certaines publications pour adolescents de l'Ecole des Loisirs ou du Rouergue par exemple, qui touchent à des questions de société, à des questions de l'intime. Cette littérature ne prend pas de gants avec ces jeunes, ce qui est intéressant d'ailleurs car si eux accueillent cette littérature de manière positive, les professeurs sont plus prudents et souvent interrogatifs sur les raisons qui nous poussent à faire mourir tel personnage, etc. Je pense que l'écrivain doit tracer des lignes de force, des lignes de sens et de causalité ; il peut alors ne pas lésiner sur la violence, la douleur et le pathos, s'il donne un sens à cela, s'il parvient à montrer que les phénomènes les plus gratuits sont eux aussi porteur d'un sens. Pour moi, la limite chez l'écrivain est dans cette gratuité : exposer son lecteur à une violence extrême et le laisser seul avec elle. Il doit toujours y avoir quelque chose à tirer de thématiques dures, une leçon de vie.

Parutions.com : C'est ce que dit votre héroïne à la fin du premier volume de la saga : on vient au monde pour vivre, pas pour être heureux. On a bien là votre credo. Qu'en est-il des titres des trois romans - Les Exilés, Les Insoumis, Les Fidèles ? Pourquoi ces titres, le dernier surtout ? Fidèles à quoi ?

Fabrice Colin : C'est la fidélité à cette pulsion de vie Mendelson, la fidélité à la famille. Au fond, ils sont tous éparpillés mais ils reviennent tous toujours autour de ce noyau. Avec certains invariants : ce sont des gens qui ne se laissent pas abattre, qui font ce qu'ils ont envie de faire, qui vont au bout de leurs idées même si elles sont un peu folles. C'est une fidélité à ces idéaux ; ils réalisent d'ailleurs que ce qui compte est moins leur identité juive que cette identité familiale. Dans les moments durs, ils ont toujours tendance à se regrouper, à part quelques électrons libres ; il y a toujours cette force centripète qui les ramène autour du noyau familial.

Parutions.com : Le judaïsme est l'un de ces invariants. On comprend que vous avez choisi de raconter l'histoire d'une famille juive car c'est un observatoire privilégié de l'histoire du XXe siècle, d'Odessa à Los Angeles en passant par New-York. L'histoire des États-Unis est également explicitée par ce biais. C'est aussi un judaïsme qui doit beaucoup au grand-père fondateur, un juif orthodoxe, comme le seront les jeunes à la fin de la saga. Finalement, le judaïsme libéral, pourtant très présent aux États-Unis, est peu envisagé dans ces romans. Pourquoi ?

Fabrice Colin : Le choix d'une famille juive, vous avez tout à fait raison, vient de ce que, hélas souvent à leurs corps défendant, les Juifs furent des témoins et des acteurs de l'histoire du XXe siècle. L'idée de cette saga est également partie d'une histoire de la fondation des grands studios hollywoodiens par des migrants juifs, venant notamment d'Europe de l'Est, avec, en filigrane, l'idée que ces gens, privés de leur histoire, viennent ici pour recréer des histoires, poussés par un besoin de raconter et de reconstruire une sorte de Terre promise. Ce livre s'intitule d'ailleurs Le Royaume de leurs rêves, un très beau titre je trouve. Ensuite, pour ce qui est du judaïsme orthodoxe, je dirais que, même si de nombreux migrants ont abandonné la pratique de la religion pour n'en garder que quelques éléments folkloriques, ce ne fut pas le cas de tout le monde. Je me suis donc beaucoup interrogé dans la construction de mes personnages – allaient-ils embrasser leur foi, atermoyer, y revenir ? -, et en discutant avec plusieurs personnes autour de moi, j'ai réalisé que ces hésitations, que ces allers-retours représentaient une réalité. Pour le reste, ce retour à la foi orthodoxe est sans doute statistiquement faible mais j'ai fait ce choix en romancier. Je n'ai donc pas cherché à faire de ma famille une entité exemplaire ni voulu m'engager sur des questions religieuses : la religion sert de toile de fond. On est dans de la littérature de jeunesse ; les choses sont donc forcément simplifiées, on ne rentre pas dans le détail des questions religieuses.

Parutions.com : Certains personnages font aussi penser à des romans de Chaïm Potok.

Fabrice Colin : Oui, tout à fait. J'ai lu plusieurs romans d'auteurs juifs américains. Je pense notamment à l'humour corrosif de La Lamentation du prépuce de Shalom Auslander, l'histoire d'un juif prisonnier de sa religion et qui essaye durant tout le livre de s'en libérer de manière complètement outrancière, en violant systématiquement tous les commandements, avec une sorte de désespoir tendre. Ses efforts à sortir de la religion montrent à quel point il est dedans ; son refus de Dieu est en fait un dialogue incessant avec Lui. Ce type d'écriture et d'itinéraire m'a pas mal inspiré.

Parutions.com : On suit avec attachement les différents personnages de cette famille, tout au long de la saga, et les femmes notamment, qui jouent un rôle central dans l'histoire familiale, comme chefs de clans, passeuses de la religion, etc. Était-ce important pour vous de leur attribuer cette place ?

Fabrice Colin : Complètement. C'était important dans une œuvre de littérature traitant du XXe siècle, des États-Unis et des Juifs, mais aussi parce que la rôle des femmes dans la fantasy est le plus souvent réduit à la portion congrue, autour de stéréotypes oscillant entre la sorcière, la magicienne puissante, et l'esclave. Elles suivent le héros masculin, l'admirent ou attendent qu'il vienne à leur secours. Elles sont souvent outrancières dans leurs comportements, hyperactives. C'est un problème avec ce type de littérature car on a beau vouloir aller contre ces clichés, on est aussi dépendant de ce qu'on a lu et des passages obligés du genre, de sorte qu'on a du mal à développer de grands personnages féminins. J'avais pu faire cela dans un autre de mes romans, qui s'intitule La Malédiction d'Old Haven et qui est centré sur un personnage de sorcière, que je suis tout au long de 600 pages. Et ça m'a fait beaucoup de bien de prendre en charge un personnage féminin et de l'accompagner ainsi, de façon approfondie. Plus personnellement, je suis persuadé du rôle central des femmes... notamment auprès d'hommes écrivains qui sont incapables de faire quoi que ce soit à la maison et qu'elles aident à sortir de leurs doutes. C'est mon cas comme celui de nombreux des mes amis écrivains hommes !

Parutions.com : Pouvez-vous, pour finir, nous dire comment cette saga a vu le jour ?

Fabrice Colin : Cela remonte à cinq ou six ans. J'avais alors proposé le projet à une autre maison d'édition. Un projet ambitieux puisque j'envisageais une saga en dix volumes, ce qui séduisait et effrayait à la fois mon éditeur, car j'avais à l'époque moins d'assise qu'aujourd'hui. Le projet a néanmoins bien avancé avec mon éditrice chez eux, sauf que cette éditrice a finalement disparu du jour au lendemain, prise par des projets personnels. La saga a finalement revu le jour aux éditions du Seuil, où j'avais travaillé avec un autre éditeur sur un autre roman. Cet éditeur a quitté la maison et il m'a fallu donc ''séduire'' sa remplaçante, ce qui n'est jamais facile ni gagné d'avance. On s'est en fait immédiatement très bien entendus et c'est elle qui m'a demandé si j'avais d'autres projets sous le coude. J'ai donc remis La Saga Mendelson sur le tapis. Elle était d'emblée emballée, à l'exception des dix tomes. On a donc signé pour trois volumes et le projet allait pouvoir se faire. Cette éditrice a toujours été très enthousiaste pour ce projet, ce qui est très important car cela demande beaucoup de travail à l'auteur mais aussi de la part de l'éditeur ; nous avons vraiment travaillé la main dans la main.


Entretien mené par Marie-Paule Caire et Sarah McDonough, le 27 mai 2010
( Mis en ligne le 23/06/2010 )
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