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Le pair et la mer
John Julius Norwich   Histoire de la Méditerranée
Perrin - Tempus 2012 /  12,50 € - 81.88 ffr. / 890 pages
ISBN : 978-2-262-03829-8
FORMAT : 11cmx18cm

Première publication en octobre 2008 (Perrin - Pour l'Histoire)

L'auteur du compte rendu : Hugues Marsat est agrégé d'histoire. Enseignant dans le secondaire, il mène parallèlement des recherches sur le protestantisme aux XVIe-XVIIe siècles.

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Comme objet historique, la mer Méditerranée ne peut être regardée sans un certain respect par les historiens français depuis que Fernand Braudel est passé par là. En distinguant des évolutions aux temps différenciés, soulignant ainsi les structures diachroniques de l’espace méditerranéen et dépassant le cadre chronologique initial de son sujet (le règne de Philippe II), l’historien posait les jalons d’une nouvelle approche de l’histoire. Depuis, rares sont ceux qui ont tenté une histoire globale de cet espace et quand ils l’ont fait ils n’ont pas manqué de s’interroger quant au temps long de cette mer au milieu des terres, s’y mettant même à plusieurs à l’instar de l’équipe dirigée par Jean Carpentier et François Lebrun (Seuil, 1998). Seuls quelques marginaux de l’histoire, naviguant au large des courants historiographiques, comme l’amiral Auphan en 1962, ont osé la difficile synthèse et risqué le sacrilège.

John Julius Cooper, 2ème vicomte de Norwich – le premier était son père Duff Cooper, ministre de Churchill pendant la guerre, agent de liaison entre le gouvernement britannique et la France libre puis ambassadeur de sa gracieuse majesté en France –, ne s’embarrasse guère de ces préjugés. Grand amoureux de Venise et de l’empire byzantin, auxquels il a consacré deux histoires publiées en français, ce pair du royaume s’inscrit dans une vision traditionnelle de l’histoire, proche de l’école méthodique, que son sens de la vulgarisation, éprouvé au long de documentaires télévisés très variés, pimente allègrement des anecdotes et des citations néanmoins souvent accompagnées d’un prudent conditionnel.

Il ne s’en cache pas. Dans son introduction, il affiche clairement son but comme étant «de retracer le sort politique des terres méditerranéennes». Pourquoi intituler alors ce livre Histoire de la Méditerranée ? Certes, il fallait faire des choix. L’ampleur du projet l’obligeait. Le simple fait que John Julius Norwich ait choisi d’arrêter son histoire à la fin de la Première Guerre mondiale avec la disparition de deux empires méditerranéens, sans même se poser la question de savoir si l’Autriche-Hongrie était un empire méditerranéen autrement que par ses côtes, semble particulièrement révélateur. Tant pis si l’espace naval a joué un plus grand rôle dans la Seconde Guerre mondiale. Il est vrai que le livre s’étend ainsi sur plus de 800 pages de texte, divisées en 33 chapitres, sans compter les notes de fin dont le rôle est essentiellement explicatif.

Sur toutes ces pages, l’Antiquité, dont la moindre des caractéristiques est quand même d’être centrée sur la Méditerranée et de comporter des civilisations s’étant répandue d’un bout à l’autre de celle-ci, occupe une centaine de pages jusqu’à la naissance de l’Islam. Passée cette période qu’on aurait pu croire davantage cruciale pour dessiner un visage d’ensemble au sujet, lord Norwich narre les différents évènements majeurs qui secouent les terres méditerranéennes, consacrant dans son chapitre sur l’Italie médiévale de larges passages à la querelle des investitures. Il faut attendre les chapitres sur les croisades et ceux sur la lutte pour la domination navale entre l’Empire ottoman et les États chrétiens au XVIe siècle pour que le sujet soit vraiment atteint.

Puis, alors que la Méditerranée cesse d’être le centre du commerce de l’Europe au profit de l’Atlantique, L’Histoire de la Méditerranée tend à devenir une succession d’évènements qui secouent chaque pays riverain : si l’indépendance de la Grèce manifeste un rééquilibrage de la géopolitique méditerranéenne, on peut s’interroger sur l’utilité, autre qu’intellectuelle, d’un chapitre sur l’agitation carliste en Espagne et sur la simple nécessité d’un chapitre entier sur le siège de Gibraltar de 1779-1783, morceau de bravoure héroïque de part et d’autre mais à l’absence totale de conséquences.

Non pas que le livre de John Julius Norwich soit une succession de tableaux à peine reliés entre eux, car il faut bien au contraire reconnaître à l’auteur un sens de la synthèse certain et un réel talent de narrateur rendant son ouvrage particulièrement lisible et rarement ennuyeux ; l’histoire de la Méditerranée, il est vrai, étant un conte plein de bruit et de fureur. La moindre des conséquences n’est d’ailleurs pas l’apparition de quelques remarques historiques à l’effet comique parfois involontaire, comme «Attila, plus redouté que quiconque avant ou même depuis - à l’exception peut-être de Napoléon», ou le fait que les victoires fulgurantes du général byzantin et eunuque Narsès «ne plaide pourtant pas en faveur de la castration» !

Lord Norwich n’est pas aussi à l’abri d’erreurs parfois grossières à l’instar d’un Constantin qui érige le christianisme en religion officielle de l’Empire romain, parfois mineures mais néanmoins gênantes comme la paternité de la reine de France Marie-Thérèse imputée à son frère Charles II. L’ampleur de la tâche explique sans doute aussi quelques erreurs de rédaction, d’édition ou de traduction comme la victoire des Mamelouks sur les Mongols, «victoire qui aurait pu sauver de l’extinction la foi musulmane en Méditerranée orientale». En outre, la bibliographie indique que l’auteur s’est appuyé sur des études souvent anciennes, sans tenir compte d’avancées historiographiques majeures. Ainsi, la Bible n’est pas ici dévoilée mais considérée comme un livre d’histoire, en ce qui concerne David et Salomon du moins.

Le peuple juif est d’ailleurs indubitablement le grand oublié du livre. Évoqué lors du royaume d’Israël, sa diaspora n’est pas mentionnée, sauf lors du bannissement des juifs d’Espagne en 1492, alors qu’elle constitue un trait d’union entre les rives du bassin méditerranéen, une de ces structures diachroniques qui tendent à faire l’unité culturelle de la mer du milieu au même titre que la civilisation greco-latine, le Christianisme et l’Islam. De même, si les agissements des républiques maritimes de Gênes et Venise sont mentionnés, l’auteur ne se donne jamais la peine de faire une synthèse de leurs thalassocraties respectives ; ce dernier concept semble d’ailleurs largement ignoré.

Paradoxalement, le livre de John Julius Norwich demeure impressionnant par la somme de travail, d’érudition qu’il représente et la lisibilité qu’il constitue. Tout lecteur y apprendra quelque chose, mais son découpage, en dépit d’un index utile, en rend l’utilisation malaisée autrement qu’en lecture continue. S’il peut paraître dur de reprocher à une telle synthèse de ne pas avoir fait l’effort, considérable il est vrai, de penser l’espace méditerranéen, sans doute compte-tenu du public visé, il est néanmoins impossible malheureusement de terminer sur une note positive. Sans doute parce qu’elle suppose de ses lecteurs une culture malheureusement d’un autre temps, que penser aujourd’hui d’une histoire d’un espace géographique dans laquelle ne figure aucune carte ?


Hugues Marsat
( Mis en ligne le 14/02/2012 )
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