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Land of hope and glory
François Bédarida   Churchill
Hachette - Pluriel 2011 /  11 € - 72.05 ffr. / 572 pages
ISBN : 978-2-8185-0133-7
FORMAT : 11cm x 18cm

Première publication en octobre 1999 (Fayard)
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Il est des vies qui sont plus que des vies, ces brefs morceaux de temps pris entre la naissance et la mort. Ce sont des destinées où se noue le sort des peuples et s'inscrit l'esprit des nations. La vie de Winston Churchill, figure d'exception pour un moment d'exception, est de ce nombre.

Né en 1874 au palais de Blenheim, Winston Churchill est le fils de lord Randolph Churchill et le petit-fils du duc de Marlborough. Brillant homme politique, son père devient secrétaire d'État pour l'Inde puis chancelier de l'Échiquier en 1886, à l'âge de trente-six ans. Au terme d'une scolarité chaotique à Harrow et au collège militaire de Sandhurst, Winston entre dans l'armée en 1895, comme sous-lieutenant au 4e Queen's Own Hussars. Patricien égocentrique, doté d'un humour ravageur, excessif en tout, le jeune Churchill est habité par un extraordinaire appétit d'action et de panache. Soldat de profession, il restera soldat dans l'âme toute sa vie. Sa carrière militaire est aussi brève que bien remplie : il se bat à Cuba (1895), sur la frontière indienne du Nord-Est (1897), au Soudan (1898). De chacune de ces expériences de soldat, il tire des articles pour les journaux britanniques et bientôt un premier livre, The Story of the Malakaland Field Force, "A Subaltern's Advice to the Generals".

En 1899, il quitte l'armée pour se lancer dans la politique, ce qui ne l'empêche pas de participer comme correspondant de guerre à la Guerre des Boers (1899-1900). La reine Victoria meurt en 1901, mais Churchill demeure un victorien, égaré au XXe siècle. De l'ère victorienne, il conserve un patriotisme qui lui tient lieu de religion, une infinie confiance dans la science et le progrès, une foi inébranlable dans l'avenir de l'Empire britannique, dont il partage la vision grandiose et romantique résumée par l'hymne célèbre : Rule Britannia, Britannia rule the waves ! Britons never, never shall be slaves !

Élu dès 1900 comme député conservateur, il passe en 1904 au parti libéral. Il est successivement sous-secrétaire d'État aux colonies (1905-1908), président du Board of Trade (1908-1910), ministre de l'intérieur (1910-1911), premier lord de l'Amirauté (1911-1915). Cette carrière fulgurante est un temps compromise par l'échec sanglant de l'expédition des Dardanelles, qui fut sa grande idée. Ravalé au rang de chancelier du duché de Lancastre, Churchill quitte bientôt le gouvernement pour aller combattre quelques mois sur le front de Flandres, comme lieutenant-colonel du Royal Scots Fusiliers. Il revient pourtant assez vite aux affaires : le voilà ministre des munitions (1917-1919), ministre de la guerre et de l'air (1919-1921), ministre des colonies (1921-1922), chancelier de l'Échiquier (1924-1929).

Dans ces différents emplois, Churchill frappe ses contemporains par son imagination chimérique et son penchant pour la prospective. "Winston, dira plus tard Roosevelt, a cent idées par jour, dont trois ou quatre sont bonnes". Orateur extraordinaire, grande figure des Communes, il se révèle aussi un écrivain et un historien de talent. Entre 1923 et 1931, il publie The World Crisis, histoire en six volumes de la première guerre mondiale, dont Balfour dira : "Winston vient d'écrire un gros livre à propos de lui-même qu'il a intitulé la Crise mondiale"... Chez Churchill comme chez de Gaulle, l'action politique est inspirée et guidée par l'histoire proche ou lointaine. "L'histoire me justifiera, écrit-il avec humour, en particulier parce que je l'écrirai moi-même".

En 1929, à la chute du cabinet Baldwin, il quitte le pouvoir. Sa traversée du désert va durer dix ans. Désert très fréquenté d'ailleurs : Churchill publie My Early life (1931), Thougths and Adventures (1932), une biographie de son ancêtre, le grand Marlborough (1933-1938), Great Contemporaries (1937). Dès 1933, il sent l'ampleur du danger hitlérien. Très tôt, il comprend et dénonce la vraie nature du nazisme, barbarie née au cœur de la civilisation. En revanche, il cherche longtemps à ranger Mussolini au côté des démocraties. Vient la guerre et avec elle le moment où Churchill sort définitivement de toutes les séries. Premier lord de l'amirauté du cabinet Chamberlain le 3 septembre 1939, le jour de la déclaration de guerre, il n'arrive au pouvoir suprême que par un concours de circonstances. C'est le refus de lord Halifax qui le porte au pouvoir, le 10 mai 1940, alors même que commence l'offensive allemande à l'Ouest. Trois jours plus tard, il prononce son fameux discours aux Communes : "Je n'ai rien à offrir que du sang, du labeur, de la sueur et des larmes". Le 16 mai, venu en hâte à Paris, il tente de ranimer l'énergie de dirigeants français cédant à la panique. "Il se voit, rapporte Paul Baudoin, du fond du Canada dirigeant, par-dessus une France dont les ruines sont déjà froides, la lutte par avions du Nouveau Monde contre l'Ancien dominé par l'Allemagne (...) Il est le héros de la lutte jusqu'au bout". John Colville note, presque au même moment : "Même s'il arrivait à la France ou à l'Angleterre d'être perdues, j'ai l'impression qu'il continuerait la croisade lui-même avec une bande de volontaires".

Le 4 juin, le premier ministre s'adresse de nouveau aux Communes : "Même s'il y faut des années, même si nous sommes seuls (...), nous ne faillirons pas. Nous marcherons jusqu'au bout, nous nous battrons en France, nous nous battrons sur les mers et sur les océans, nous nous battrons dans les airs avec une force et une confiance croissante, nous défendrons notre île quel qu'en soit le prix, nous nous battrons sur les plages, nous nous battrons sur nos aérodromes, nous nous battrons dans les champs et dans les rues, nous nous battrons dans les collines, nous ne nous rendrons jamais. Et même si, ce que je ne crois pas un instant possible, notre île ou une grande partie de notre île devait être subjuguée et affamée, alors notre Empire, au-delà des mers, armé et gardé par la flotte britannique, continuerait le combat, jusqu'à ce qu'un jour, à l'heure que Dieu choisira, le Nouveau Monde, de toute force et sa puissance, s'avance pour secourir et libérer l'Ancien". Mers-el-Kébir, le 3 juillet suivant, fut la preuve de cette résolution farouche et une des plus grandes actions du premier britannique.

Le 18 juin, alors que la France vient de demander l'armistice, Churchill annonce aux parlementaires : "Ce que le général Weygand a appelé la bataille de France a pris fin. La bataille d'Angleterre peut commencer d'un moment à l'autre. Du sort de cette bataille dépend le sort de la civilisation chrétienne (...) Recueillons-nous donc et affermissons-nous dans le sentiment du devoir, conduisons-nous de telle façon que même si l'Empire britannique et sa Communauté de nations devaient durer mille ans encore, les hommes diront toujours : ce fut l'heure la plus belle de leur histoire".

Par la suite, le mythe de la Finest Hour a été magnifié et embelli, en gommant les zones d'ombres. Dans ses Mémoires de guerre, Churchill a été un des plus talentueux hérauts de l'unanimité britannique dans la résistance sous le Blitz : "Londres, écrit-il, ressemblait à un gigantesque animal préhistorique, capable de recevoir sans broncher des coups terribles et qui, mutilé, saignant par mille blessures, persistait cependant à se mouvoir et à vivre". M. Bédarida rappelle justement que tout ne fut pas si rose. La suite est bien connue : le long ministériat de Churchill, de 1940 à 1945, sa défaite électorale en 1945, son retour aux affaires, de 1951 à 1955, les dernières années que les infirmités de l'âge et la disparition de l'Empire britannique empreignent d'amertume.

La mode est aujourd'hui aux biographies colossales. L'existence de personnages parfois secondaires s'étale souvent sur ces centaines de pages, parfois sur plusieurs volumes. M. Bédarida a choisi le parti contraire, celui de la synthèse. Clair, documenté, bien écrit, d'une grande hauteur de vues, ce Churchill ne concède rien à l'anecdote et à l'émotion facile. L'auteur s'inscrit en faux contre la démarche téléologique, qui raisonne a posteriori, transformant le hasard en nécessité. Il ne cache rien des faiblesses de son héros, de ses zones d'ombres, des débats que sa conduite a suscités. Il montre tout ce que sa destinée doit aux circonstances et combien souvent les choses auraient pu tourner différemment.

Peut-être cette pudeur et cette réserve sont-elles excessives, parce que la grandeur du sujet appelle un récit foisonnant et un style épique. Peut-être aussi la langue française est-elle moins propre que l'anglaise à retracer la geste churchillienne. Dans son monumental The Last lion, malheureusement inachevé, William Manchester avait su rendre le panache propre au personnage, sans donner pour autant dans l'hagiographie. Le livre de M. Bédarida est plus froid et peut-être pourra-t-on lui reprocher de n'avoir pas su attraper la ressemblance de son héros.

Mais l'auteur a bien montré l'essentiel : l'espace d'un été, Winston Churchill créa une Angleterre héroïque, modelée à son image. À la veille de tomber au rang de moyenne puissance, brillant second de son ancienne colonie, la Grande-Bretagne redevint un instant, par la magie de Churchill, le land of hope and glory des poètes victoriens. Ce fut l'heure de l'Angleterre, England's hour.

Triste coïncidence : tandis que notre pays se trouvait au comble de l'abaissement, Albion ramassait ses forces pour montrer au monde ce que peut la résolution d'un peuple libre. Un cœur français ne peut considérer sans un mélange d'admiration et d'envie ce moment unique dans l'histoire d'une nation. "Terre de gloire et d'espérance", Britannia ne le fut jamais davantage qu'en cette heure-là.


Thierry Sarmant
( Mis en ligne le 28/06/2011 )
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