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Une vie de galérien, ma Chère ! | | | Frédéric Rouvillois Histoire du snobisme Flammarion - Champs 2010 / 10 € - 65.5 ffr. / 496 pages ISBN : 978-2-08-123159-7 FORMAT : 11cm x 18cm Imprimer
Frédéric Rouvillois est un auteur dune désarmante sincérité. Il connaît ses petits travers et a la délicatesse de ne pas sen dissimuler. Aussi prend-il soin davertir quiconque sapprête à évoluer, cocktail dune main, cigare dans lautre, dans sa foisonnante Histoire du snobisme : «Depuis la nuit des temps, le snobisme est la chose du monde la mieux partagée. Et de fait, qui peut affirmer sans rougir navoir jamais été pris, par lui-même ou par les autres, dans le silence du cabinet ou dans le fracas du monde, en flagrant délit de snobisme ? Mea culpa ! Cest un genre dimmodestie dont lauteur des pages qui suivent se sent parfaitement innocent».
Une attitude séculaire et universelle donc, dont on retrouve des exemples dans la plus haute Antiquité, comme le geste de Cléopâtre, dissolvant dans du vinaigre puis buvant les inestimables perles que Marc-Antoine lui avaient offertes. Pourtant, le mot, apparu pour la première fois sous la plume du grand ironiste anglais Thackeray, ne sest répandu comme une traînée de poudre que dans la seconde moitié du XIXe siècle. Il va désigner ces individus désireux de se voir intégrés dans une catégorie sociale supérieure à laquelle ils sont étrangers, quitte à se plier à toutes les règles en vigueur dans la Foire aux Vanités. À ne pas confondre donc avec linsolence du dandy, qui préfère pour sa part «sacrifier le groupe et la société à sa Personne» et apparaître aux autres plutôt que parmi les autres
Rouvillois, dune plume délectable qui nest cependant jamais poseuse (alors que le sujet y invite tant !), consacre damples chapitres à tous les aspects de cette ascension par lélégance et la distinction quest le snobisme. De la particule aux décorations en passant par les titres nobiliaires et la mention dans le Bottin mondain (dire «BM», en toute simplicité), notre érudit détaille les attributs sociaux indispensables quil sagit dafficher dans «la haute». Après les courbettes mondaines, il passe au défilé de mode, dans la mesure où, mondialisation galopante et effacement des élites aidant, lattitude snob a évolué de laristocratie à la jet set, pour le dire brièvement. Dans la seconde partie de louvrage, sont envisagés les postures idéologiques, les goûts artistiques, les mises vestimentaires, les pratiques culinaires et sportives qui composèrent, en deux siècles, lordinaire des gens qui se veulent hors du commun. On y croisera pêle-mêle un Cocteau converti au christianisme chic, Elisabeth de Gramont, ci-devant Duchesse «Boum-Boum», friande de golf, de jolies femmes et de marxisme-léninisme, ou encore Bergson, sacré coqueluche philosophique des femmes savantes davant 1914.
Seule lacune à déplorer : Rouvillois naborde jamais les amours (sentimentales ou charnelles) des snobs. Est-ce à dire que les fashionable ne tirent de délectation que des mets rares quils dégustent et des expositions hermétiques où ils saffichent ? On aurait aimé savoir sil y a une façon snob de faire la cour et lamour
Loccasion est trop belle de réclamer à lauteur un complément denquête, car son livre, même si on a envie de le savourer comme une cuillerée de sévruga impérial, se dévore avec gourmandise, sans façon mais le petit doigt levé, bien sûr !
Frédéric Saenen ( Mis en ligne le 01/06/2010 ) Imprimer | | |