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Pour une histoire totale des représentations sociales
Gérard Noiriel   Etat, nation et immigration - Vers une histoire du pouvoir
Gallimard - Folio histoire 2005 /  11.20 € - 73.36 ffr. / 587 pages
ISBN : 2-07-030670-4
FORMAT : 11x18 cm

Première publication : mars 2001 (Belin).
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Gérard Noiriel est le tenant de la «socio-histoire», un terme qu’il utilise, par opposition à ce qu’il qualifie d’«histoire historicisante», pour désigner une histoire nourrie par les concepts forgés depuis plusieurs décennies par la sociologie. Cette position n’est pas nouvelle et il y a déjà longtemps que les historiens ont pris l’habitude d’emprunter une partie de leur vocabulaire («catégorie sociale», «représentation», «reproduction», «domination»…) ou de leurs métaphores aux sociologues.

Mais, contrairement à beaucoup, Gérard Noiriel n’entend pas n’accorder à la sociologie qu’un rôle «cosmétique» : il fonde sa position sur un véritable travail de réflexion rétrospective sur les études des sociologues, d’Émile Durkheim et Max Weber à Pierre Bourdieu, et l’argumente d’une approche critique de leurs écrits. Il s’intéresse également à l’historiographie de ces cent dernières années : il ne se contente pas des critiques formulées en son temps par l’école des Annales à l’encontre de l’histoire traditionnelle, mais entend également exercer son «droit d’inventaire» sur l’œuvre d’Ernest Labrousse, de Fernand Braudel et de leurs continuateurs. Il accuse notamment ces derniers de s’être trop occupés de l’«économique» et d’avoir négligé le «social», un domaine dont la sociologie permet aujourd’hui de complètement renouveler l’approche.

Gérard Noiriel a élaboré cette conception de l’histoire en travaillant sur les immigrés, une «catégorie sociale» qui n’a pas pour lui d’existence objective mais qui est une «construction» de ces deux derniers siècles, résultat de la création d’Etats-nations et de la généralisation dans chacun d’eux de l’Etat-providence. L’idée de nation s’est forgée progressivement au XIXe siècle, marquant une dérive insensible d’une communauté de citoyens, bénéficiant des mêmes droits civiques, à une communauté de «nationaux», bénéficiant des mêmes droits sociaux. Toutefois, à partir du moment où les droits sociaux furent octroyés par la loi aux seuls citoyens, ils ne pouvaient être accordés aux étrangers que par un jeu complexe d’accords réciproques entre Etats. C’est au nom de la cohérence de cet édifice juridique quelque peu bancal, que des milliers d’immigrés se virent peu à peu privés des droits progressivement accordés à leurs compagnons de labeur mieux fortunés. Du migrant protégé par son passeport, au nom d’une ancienne tradition d’hospitalité, on est passé, moyennant le perfectionnement des techniques d’identification des personnes, à l’immigré, exploité durant les périodes de croissance dans les branches où il y a pénurie de main d’œuvre, pourchassé en cas de crise économique.

Tout au long de la quinzaine d’articles rassemblés dans ce recueil, Gérard Noiriel défend ses conclusions avec beaucoup de clarté, d’éloquence et de pertinence. Partisan d’une histoire globale de l’immigration, il étend son champ de recherche à d’autres questions, comme l’histoire de l’industrie, ou encore celle des pratiques administratives. C’est dans ces domaines annexes qu’il se laisse aller, lancé parfois par un ton polémique, à des imprécisions qui peuvent affaiblir la portée de ses propos. Faut-il voir dans le protectionnisme des années 1880 les «fils invisibles du capitalisme (comme disait Karl Marx)» (p.131) alors que, comme l’auteur le reconnaît d’ailleurs dans d’autres parties de son livre, les mesures prises alors eurent un effet plus symbolique qu’économiquement déterminant ? Est-il juste d’indiquer que, dans le domaine de l’état civil, «la législation républicaine n’a fait que légaliser une conception de l’individu et de la famille élaborée par l’Eglise à partir du Moyen Âge» (p.243) alors que l’institution de registres de décès, qui n’existaient pas auparavant, témoigne d’un conception de la vie humaine radicalement différente ? La Première Guerre mondiale marque-t-elle une rupture dans les modalités d’enregistrement des conscrits (p.303), alors que le recensement militaire, comme les registres d’états signalétiques et des services étaient codifiés depuis déjà longtemps ?

Capable de mener avec un brio incontestable des synthèses délicates (sauf peut-être quand il s’en remet aux théories parfois guère fécondes du sociologue allemand Max Weber), Gérard Noiriel, c’est la rançon de ce type d’approche, prend parfois le risque d’être critiqué sur le détail de ses exposés.


Jean-Philippe Dumas
( Mis en ligne le 05/05/2005 )
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