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Les temps de la politique culturelle
Philippe Urfalino   L'Invention de la politique culturelle
Hachette - Pluriel 2004 /  10 € - 65.5 ffr. / 428 pages
ISBN : 2-01-279206-5
FORMAT : 11x19 cm

Postface inédite.

L’auteur du compte rendu : Philippe Poirrier est maître de conférences d’histoire contemporaine à l’Université de Bourgogne. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur l’histoire culturelle de la France, notamment L’Etat et la culture en France au XXe siècle (LGF, 2000) et Les Politiques culturelles en France (La Documentation française, 2002). Il s’apprête à publier un essai sous le titre Les Enjeux de l’histoire culturelle (Seuil, septembre 2004).

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Ce volume, édité initialement en 1996 dans la collection du Comité d’histoire du ministère de la Culture, réunit, pour l’essentiel, des articles et communications initialement publiés entre 1987 et 1995. Le premier chapitre et la conclusion donnent une indéniable cohérence à l’ensemble. Philippe Urfalino, dont les premiers travaux avaient pour objet les politiques culturelles municipales, interroge les conditions de «l’invention» de la politique culturelle en France. Pour ce faire, l’auteur, issu de la sociologie des organisations, rentre dans son sujet par le biais d’une histoire de la politique des maisons de la culture. Erigée par André Malraux et son administration en modèle de l’action culturelle de l’Etat, cette politique se présente comme un laboratoire qui permet de comprendre la singularité de la politique culturelle menée depuis 1959. La méthode choisie, fondée sur une enquête minutieuse à partir d’archives et d’entretiens, relève pour une large part de l’histoire conceptuelle du politique chère à Pierre Rosanvallon.

Cinq parties structurent la démonstration. «La culture contre l’éducation» souligne le contexte politique et institutionnel qui marque la philosophie d’action du ministère Malraux. «L’universel contre la représentation» examine comment ce modèle de démocratisation est étroitement lié à un modèle politique. «La cathédrale et les démiurges» montre le rôle de la maison de la culture en tant qu’équipement et la place centrale attribuée à son directeur-animateur, issu le plus souvent du monde du théâtre. «Le temps des bilans» ouvre sur l’infléchissement du modèle — dès le départ de Biasini en 1966 — suivi de déstabilisations majeures autour de 1968 puis l’expérience stabilisatrice (mais courte) du ministère Duhamel. La postérité clôt, plus rapidement, ce parcours en examinant la municipalisation de la culture et les effets de l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981.

La thèse centrale de l’ouvrage est double. En premier lieu, la création du ministère des Affaires culturelles en 1959 conduit à une politique culturelle qui n’est pas seulement redevable d’une continuité historique inhérente à «l’exception française». Cette politique, que Malraux définit comme un projet à la fois social, esthétique et réformateur, se singularise par le rejet de l’idée d’institution. Le système des Beaux-Arts n’est pas réformé, il est contourné par la création d’institutions nouvelles susceptibles de mettre en œuvre une démocratisation culturelle qui s’appuie à la fois sur les représentants de la modernité esthétique et, à l’échelle administrative, sur les élites modernisatrices par l’intermédiaire de la planification. Cette posture va perdurer et se retrouve, après 1981, dans la création des FRAC contre les musées, et dans certains grands projets comme l’Opéra Bastille et la Bibliothèque nationale de France.

Le cœur de la démonstration est brillamment consacré à la mise en évidence des fondations du ministère. Celles-ci reposent sur une triple rupture : l’affirmation au niveau de l’Etat d’une philosophie de l’action fondée sur le «choc esthétique» et le refus des dispositifs pédagogiques ; le primat de l’excellence artistique qui débouche sur le soutien à un secteur artistique professionnel en formation et le refus de l’Education populaire ; la formation progressive d’une administration qui se dote, non sans bricolage, de cadres d’interventions spécifiques. A ce titre, la politique malracienne s’inscrit au sein du projet gaullien d’un Etat qui anticipe sur la société, même si sa naissance est liée surtout au souci de conserver Malraux au sein du gouvernement.
Ce cadre interprétatif posé, Philippe Urfalino voit ce modèle se dissoudre dès les années 70, plus encore sous les ministères Lang. La démocratisation culturelle à la Malraux a échoué. Trente ans de politiques d’équipements condamnent dès lors le ministère à gérer l’existant. L’idéologie des avant-gardes et la modernité sont fortement remises en cause. Les ministères Lang témoignent certes d’une embellie des politiques sectorielles, alimentées par la croissance du budget du ministère, alors même que se brouillent les fins qui légitiment l’action publique.

Une postface inédite, publiée également dans la livraison de mai 2004 de la revue Esprit, actualise la démonstration au prisme de deux enjeux qui travaillent depuis le début des années 90 la légitimité de la politique culturelle : le statut des intermittents du spectacle vivant et les débats sur l’art contemporain. Sur le premier débat, Philippe Urfalino rejoint les analyses de Pierre-Michel Menger sur les conditions économiques de la vie artistique. Sur le second débat, l’auteur souligne que le rôle essentiel de l’Etat est de garantir l’existence notamment économique d’une vie artistique autonome ; aux institutions, aux artistes et aux publics d’énoncer les critères de reconnaissance qui définissent les arts. «La politique culturelle n’est plus, vive le soutien public à l’économie de la vie artistique !» conclut le sociologue qui n’hésite pas à se faire davantage normatif et à assumer une posture plus engagée.

La force de la démonstration réside dans l’alliance réussie d’une sociologie historique empirique et d’un cadre théorique cohérent. L’ouvrage est une contribution importante à l’histoire culturelle de la France contemporaine et devrait, dans cette édition de poche, rencontrer un large lectorat, notamment chez les acteurs culturels et les étudiants qui se destinent aux métiers de la culture.


Philippe Poirrier
( Mis en ligne le 29/06/2004 )
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